Fortement ancré dans la culture anglo-saxonne, cet outil peine encore à gagner ses lettres de noblesse auprès des DRH français.
Et pour cause, nombreux sont les managers qui se révèlent perturbés après s’être prêtés à cet exercice jugé périlleux. Quels sont les risques pour l’entreprise qui soumet son manager au prisme du 360°feed back ?
Y a-t-il des bénéfices réels ? Faut-il mieux accompagner les managers dans ce processus d’évaluation susceptible de toucher à leurs fondamentaux identitaires ? Au travers de la vision d’experts et de témoignages de managers, myRHline passe cet outil RH au crible.
« Il apparaît toujours extrêmement complexe de définir la ligne de la vérité entre la perception que les collaborateurs ont du manager et celle qu’il a de lui-même. Le 360°feed back est un exercice qui peut se révéler périlleux et perturbant », rappelle à juste titre Carly Abramowitz, PDG de CA&co, organisme de formation spécialisé dans la communication interpersonnelle et le leadership. Certes, présenté comme un outil susceptible de doper la motivation et la performance des managers, le 360°feed back n’en reste pas moins fortement controversé.
Selon Blandine Kouyate, DRH de BetClic Everest Group, « cela illustre un rapport à l’autorité auquel les français n’ont pas été habitués contrairement aux anglo-saxons ». En effet, le 360°feed back a pour objectif final de donner une vue globale sur les comportements du manager en situation de travail. Et ce n’est pas sans susciter quelques doutes pour certains, qui ont du mal à accepter l’évaluation de leurs forces mais surtout de leurs faiblesses.
Dans la plupart des cas, le 360° s’articule autour de trois grilles majeures qui retracent le savoir-faire et le savoir-être du manager sans oublier la dernière grille plus individuelle qui permet aux pairs, aux subordonnés et à la hiérarchie d’exprimer leurs attentes vis-à-vis du dit manager. « Il y a plusieurs types de 360°. Certains intègrent des grilles de lecture fermées, d’autres ouvertes.
Certains comportent 300 questions quand d’autres n’en ont qu’une cinquantaine. Il y a même des entreprises qui incluent dans le 360° les clients et les fournisseurs. Selon moi, mieux vaut préférer la version classique avec des grilles resserrées qui ne sont soumises qu’aux N-1, aux pairs et à la hiérarchie. Cela permet d’avoir une meilleure vision et de mieux cerner les axes de progression », indique Philippe Obled, Responsable de formation Zoplan groupe Materis.
Conduire un 360°feed back avec succès
Mais, quels sont les éléments clés permettant de tirer le meilleur parti de ce type d’outils RH ? Il faut tout d’abord que le processus reste complètement anonyme ce qui n’est pas forcément évident, comme le précise Philippe Obled avant d’ajouter que « la réussite de cet exercice délicat passe par une évaluation exempte de toute culpabilité.
La bienveillance doit être de mise car le 360°feed back est d’abord un outil de progression avant d’être un outil d’évaluation ». Samuel Avenel, Directeur général Europe du groupe Belrone division Specials (marque Carglass) revient sur son expérience du 360°Feed Back « au cours de ma carrière, il m’a été donné de me plier à cinq reprises à cet exercice. Pour un manager cela reste une expérience délicate mais qui permet indéniablement d’acquérir toutes les clés pour un management performant et à visage humain ».
A noter que le timing est un des éléments clés à respecter lorsque la décision est prise de soumettre le management au 360°feed back. Car si le climat social n’est pas bon, cela peut rapidement virer aux règlements de comptes, comme le confirme Marie-Anne Labidi, Directrice développement RH du groupe Chantelle. « Le time to market est très important, tout comme la façon dont les collaborateurs appréhendent la lecture du 360°. Il faut veiller à ce que l’ensemble des participants aient bien compris le fonctionnement de l’outil car sinon cela peut générer des points d’incompréhension susceptibles de court-circuiter la pertinence même de l’outil ».
Les bénéfices et les risques pour le manager et l’entreprise
Mais alors, quelles sont les meilleures choses que l’on puisse vous dire lors d’un 360° feed back ? Mon manager possède un vrai leadership ?
« Il y a actuellement une vraie exigence vis-à-vis du manager qui se doit de faire converger l’ensemble de ses collaborateurs vers un même but tout en suscitant l’adhésion à un système de valeurs commun. Le leadership est une des qualités du manager moderne », précise le responsable de formation Zoplan groupe Materis. A l’inverse, parmi les pires choses qui peuvent être mentionnées lors d’un 360°, figurent en bonne place : mon manager n’est pas vraiment exemplaire ou encore il anime des réunions stériles et ennuyeuses.
« La crise économique a engendré dans certaines entreprises l’émergence d’un management directif. Les managers ont davantage de pression ce qui peut les pousser à un excès d’autoritarisme », justifie Philippe Obled. Une raison supplémentaire de penser que le facteur d’authenticité apparaît essentiel dans la mesure où il tend à s’imposer comme une source d’admiration et donc d’adhésion au management pratiquée au sein de l’organisation.
Quels sont les bénéfices pour le manager ? Et pour l’entreprise ? A l’inverse, quels sont les dangers et les risques pour l’organisation et le décideur ? Meilleure connaissance de soi-même, clarification des missions, meilleure compréhension des attentes des collaborateurs font partis des points positifs au même titre qu’il existe des effets pervers comme la démotivation ou encore la déstabilisation.
Pour Carly Abramowitz, PDG de CA & co, les bénéfices sont nombreux à condition de veiller à accompagner le manager tout au long du processus et plus particulièrement après le debriefing des résultats obtenus. Le 360° reste donc un outil lourd à gérer pour les organisations c’est la raison pour laquelle, il doit s’ancrer dans une stratégie RH globale. « Il s’agit d’un projet d’entreprise à part entière. Et lorsqu’il est bien accompagné, c’est un formidable outil pour clarifier le sens que l’on veut donner à l’aventure de l’entreprise », conclut Samuel Avenel.
Emilie Vidaud