Le ton est donné par la dernière enquête du CEGOS, parue en juin dernier. Que recherchent les 50/65 ans dans le travail ? Avant tout du plaisir et du bien-être. Qu’attendent les DRH des séniors ? Qu’ils transmettent leurs compétences et conseillent les plus jeunes. Deux réponses qui ne semblent pas compatibles.
Le tutorat : ni satisfaisant, ni séduisant
70 % des DRH interrogés par l’observatoire affirment avoir proposé des missions de tutorat à leurs salariés séniors et pensent, ainsi, avoir répondu à leurs attentes. Pourtant, ni le tutorat, ni l’augmentation de salaire, n’apparaît comme vecteur d’amélioration des conditions de travail.
Les 50/65 ans sont clairs : ils souhaitent que leur expérience soit reconnue par l’entreprise (51%) et veulent continuer à évoluer professionnellement. Le tutorat n’offre aucune perspective de la sorte, et s’apparente davantage à « une voie de garage, l’équivalent d’une préretraite », condamne Raphaël de Courrèges, consultant du cabinet Accompagnement Conseil RH.
Annette Soulier, consultante RH en « parcours professionnels » chez Cegos confirme : les séniors ne se projettent pas dans un simple rôle de tuteur pour les nouveaux entrants ».
L’heure du bilan
« A 50 ans, il reste encore 10 à 15 ans de vie active, rappelle Raphaël de Courrèges. Les seniors veulent changer de vie, investir leurs compétences jusqu’à la fin de leur carrière dans une activité qui ait un sens. »
Les DRH battent des records pour satisfaire à l’ambition de leurs salariés les plus âgés : 93% ont mis en place l’entretien de seconde partie de carrière, 61% le bilan de compétences. Via ces actions, les 2/3 affirment avoir pris en comptent les aspirations des séniors. Pourtant… les trois quarts des salariés concernés pensent le contraire et ne se sentent pas soutenus dans leur besoin d’évolution, de reconnaissance.
Les séniors poussent de plus en plus la porte des cabinets de conseil, comme celui dans lequel intervient Raphaël de Courrèges : « ils envisagent de monter leur propre entreprise et recherchent, en ce sens, des formations en gestion. C’est une motivation personnelle et ils réalisent cette démarche en dehors de leurs temps de travail, parfois même sans en parler à leur employeur pour ne pas se mettre en situation instable ».
La fausse « problématique séniors »
L’évolution des séniors au sein de l’entreprise ne serait-elle qu’une problématique faussement posée, pour laquelle le bilan de seconde partie de carrière et le tutorat serviraient de placebos ?
Pour la consultante du CEGOS, qui commente les résultats de l’enquête sur les 50/65 ans et le travail, « les séniors regrettent qu’on les trouve parfois trop vieux pour être performants ». Plus catégorique, Raphaël de Courrèges attribue aux entreprises la volonté de pousser les séniors vers la porte de sortie, pour des raisons évidentes d’économie. Car, si les séniors n’attendent pas, en priorité, d’augmentation de salaire, ils souhaitent rester dans l’entreprise pour cotiser le plus longtemps possible. « S’il n’y avait pas de mesures contraignantes, on continuerait à les faire partir à 50 ans », dit-il. Les principaux concernés ne sont pas dupes : seuls 23% croient en une évolution professionnelle.
« C’est là tout le paradoxe de la gestion des emplois des séniors, conclut le conseiller. Elle doit s’inscrire dans une politique globale et réelle de développement des compétences ».
Typhanie Bouju
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