D’après l’étude Kelformation publiée en mars, malgré une majorité d’actifs épanouis, plus de la moitié des salariés considèrent que leur entreprise ne se préoccupe pas de la question du bien-être. Au cœur du sujet, un problème d’écoute notamment.
C’est l’une des contradictions mises en lumière par l’enquête : se sentir mal au travail serait une raison suffisante pour démissionner, pourtant la plupart des salariés n’ose même pas en parler au sein de l’entreprise.
Nadèje Fonrojet, directrice de Kelformation, avance un début de solution : les formations « développement personnel », l’occasion d’en parler et d’améliorer la capacité d’écoute des managers. Interview.
Dès le titre de votre enquête, une contradiction s’impose : « des salariés plutôt heureux mais des entreprises peu investies ».
Etre heureux au travail dépend-il vraiment de la volonté de l’entreprise, de l’implication du management ?
La volonté de l’entreprise de s’impliquer dans le bien-être de ses collaborateurs est déterminante.
On le voit notamment dans l’écart entre les personnes qui se disent heureux et ceux qui ne se disent pas heureux au travail. Dès que l’entreprise met en place des formations, dès qu’elle mène tout type d’actions dans ce sens, cela impacte fortement la perception du bien-être au travail des salariés. Le bien-être est très lié à l’écoute, donc au management. Les collaborateurs attendent de la reconnaissance, c’est le premier facteur cité.
Être heureux au travail ne dépend-il pas davantage de la volonté du salarié plutôt que de celle de l’entreprise, de la personnalité du collaborateur plutôt que de celle du manager ?
Vous défendez d’ailleurs l’idée que les formations « Développement personnel » sont un moyen d’améliorer le bien-être au travail.
Il faut que les deux parties soient volontaires. Les formations « développement personnel » nécessitent une réelle implication, à la fois de la part du collaborateur et du management. Pour améliorer le bien-être dans l’entreprise, il faut travailler sur l’humain. C’est ce que les collaborateurs attendent. L’augmentation de salaire n’est que le deuxième critère ; lorsque nous avons demandé aux salariés, s’ils étaient dans le management, ce qu’ils amélioreraient, la plupart ont spontanément répondu : l’écoute.
Pensez-vous que développement personnel = développement de l’entreprise ?
Oui, bien-sûr. Beaucoup d’études ont d’ailleurs prouvé qu’il existe un lien entre le bien-être des salariés et la performance de l’entreprise. Les collaborateurs n’attendent pas une augmentation de leur salaire pour être heureux au travail, surtout dans le contexte actuel qui ne permet pas aux entreprises de jouer sur ce levier pour impliquer leurs salariés. Pour fidéliser leurs collaborateurs, ils doivent utiliser d’autres moyens que le levier financer.
Si ce thème vous intéresse, vous pouvez lire notre article « salaire RH » en France.
Est-ce qu’une formation métier qui permette d’évoluer dans sa carrière ne serait pas davantage synonyme de reconnaissance, puisque le manque de reconnaissance est l’une des cause du mal-être au travail ?
Tout dépend des métiers. Le bien-être n’est pas qu’une question d’évolution de carrière, même s’il est vrai qu’avoir des perspectives est un élément important du bien-être. Les salariés attendent une valorisation de leur rôle. Les deux types de formation, technique et « développement personnel », sont complémentaires. Pour évoluer dans sa carrière, surtout s’il s’agit d’un métier technique, il faut acquérir plus de compétences.
Un manager, quant à lui, n’a pas forcément besoin d’une formation technique. Lui, évolue en fonction de sa capacité à communiquer avec les autres.
Les salariés sont relativement heureux au travail, surtout les plus jeunes et les plus diplômés. Mais restent pessimistes sur l’amélioration des conditions de travail. Est-ce qu’il faut y voir une sorte de résignation ?
D’après l’enquête, 55% juge que leur environnement de travail ne variera pas et ils sont 30% à penser que celui-ci va même se détériorer. Au-delà du pessimisme lié aux conditions de travail, le contexte lui-même n’est effectivement pas propice à l’optimisme. Mais il est vrai que le facteur âge joue dans la résignation. Les moins de 25 ans restent plus optimistes que les plus de 50 ans.
On remarque aussi que les plus optimistes sont ceux qui sont les plus formés.
Le Palmarès Great Place To Work vient d’être révélé. Nombreux sont les prix de ce genre qui récompensent les entreprises où il fait bon travailler. Que pensez-vous de ces démarches ?
Elles sont intéressantes car elles constituent des projets d’entreprise. Ce type de démarche permet de mobiliser la direction et le management sur le sujet du bien-être au travail. Il ne peut, en effet, s’agir que d’un discours, mais si le management s’implique vraiment, c’est toute l’entreprise qui se met à travailler sur la question.
Au-delà de l’effet de communication, je crois qu’il y a véritablement un effet d’entraînement. Il y a 10 ans, le sujet du stress au travail était tabou ; aujourd’hui, on peut en parler et ainsi améliorer les choses.
Typhanie Bouju