Le Premier ministre Édouard Philippe a présenté ce 28 avril à 15 le plan de déconfinement qui sera mis en place à travers le territoire français. Cette stratégie a été bâtie sur 3 axes : vivre avec le virus et s’en protéger en attendant la création d’un vaccin, installer un déconfinement progressif et l’adapter à la réalité de chaque localité. Si les données épidémiologiques sont favorables, le déconfinement progressif démarrera le 11 mai. Sa mise en œuvre reposera sur le triptyque protéger, tester, isoler.
Une stratégie basée sur 3 piliers
Protéger
Dans l’objectif d’éviter la propagation du virus, le respect des gestes barrières et des mesures de distanciation sociale sera attendu, s’y ajoutera le port du masque, obligatoire dans certaines conditions. 100 millions de masques chirurgicaux sont produits actuellement par semaine et 20 millions de masques lavables sont attendus à compter du mois de mai. Les entreprises et collectivités sont appelées à s’en procurer, l’état soutient actuellement financièrement les collectivités avec la prise en charge de 50% des coûts. Les marchands de tissus et matériel de couture ont d’ailleurs ouvert pour permettre à chacun de confectionner ses propres protections dans les conditions recommandées par l’Afnor.
Les régions et l’État mettront en place un appui aux TPE et aux travailleurs indépendants. Une plateforme de e-commerce sera mise en place le 30 avril et distribuera plusieurs millions de masques. L’État et les collectivités locales assureront la protection de leur personnel, dont ceux en contact avec le public. Les préfets disposeront d’une enveloppe locale de soutien. Le personnel de l’Éducation nationale et les élèves des collèges recevront des masques aussi. Les pharmacies et la grande distribution seront invitées à vendre des produits dans certaines conditions. Une enveloppe hebdomadaire de 5 millions de masques lavables sera dédiée à la distribution aux personnes dans le besoin via les CCSE et les acteurs associatifs.
Tester
L’état s’est fixé un objectif de 700 000 tests virologiques par semaine à partir de la date de déconfinement. Ce chiffre comprend, en plus des tests des chaînes de contamination, de mettre en oeuvre des campagnes de dépistage comme dans les Ephad. Pour cela les laboratoires de recherche et des laboratoires vétérinaires peuvent être mobilisés pour permettre un accès de proximité au prélèvement. La prise en charge de ces tests par l’assurance maladie sera totale.
Pour chaque personne testée positive, un travail d’identification et de test des personnes ayant eu un contact se fera automatiquement. Professionnels de santé libéraux, notamment médecins généralistes et infirmiers libéraux seront appelés à réaliser une recherche des cas contacts pour la cellule familiale. Dans chaque département, des brigades seront chargées de remonter la liste des cas contacts. Ils devront les appeler, les inviter à se faire tester en leur indiquant à quel endroit ils doivent se rendre et vérifier que les tests ont eu lieu.
Isoler
Isoler 14 jours les porteurs du virus a pour objectif de casser les chaînes de transmission. Présenté comme une mesure de précaution collective, le Premier ministre en appelle au civisme de chacun pour l’appliquer lorsque c’est nécessaire. Les préfets et les collectivités territoriales auront la responsabilité de définir le plan d’accompagnement des personnes isolées, avec l’aide des acteurs associatifs, les professionnels de santé et les acteurs de la prise en charge à domicile. Les personnes testées positives auront le choix de s’isoler chez elles avec tous les membres de leur foyer, ou de s’isoler dans un lieu mis à sa disposition, notamment les hôtels réquisitionnés.
Pour le moment, la question de l’utilisation d’un outil numérique comme l’application Stop Covid a été remise à plus tard. Considérant le débat sur l’utilisation d’une application de tracking “un peu prématuré”, le Premier ministre mentionne un futur débat sur ce sujet suivi d’un vote spécifique. L’application est actuellement en cours de développement.
Déconfinés le 11 mai ?
La stratégie de test se base sur une hypothèse de 3.000 nouveaux cas par jour autour de la date du 11 mai. Si, quelques jours avant le 11 mai, le nombre de nouveaux cas journaliers n’est pas dans la fourchette prévue, la date de fin de confinement et la sévérité de ses conditions pourraient être revues. Le Premier ministre annonce déjà avoir reçu des modélisations moins favorables que prévu pour la période actuelle, peut-être dues à un relâchement dans le respect du confinement ou une baisse trop lente des hospitalisations. Il appelle les Français à la discipline pour permettre au pays de rentrer dans une première phase de déconfinement qui se déroulerait du 11 mai au 2 juin. Une phase suivante prendrait place en fonction des évolutions de la première, du 2 juin à l’été.
Tous les territoires n’ayant pas été touchés de la même manière par l’épidémie, aussi le cadre de déconfinement sera adapté aux réalités locales. La Direction générale de la santé et santé publique France ont établi trois critères pour identifier les départements où le confinement sera plus strict :
- Soit le taux de nouveaux cas sur une période de 7 jours reste élevé, ce qui montrerait que la circulation du virus reste active.
- Soit les capacités hospitalières régionales en réanimation restent tendues.
- Soit le système local de tests et de détection des chaînes de contamination n’est pas suffisamment prêt.
La lecture de ces indicateurs sera cristallisée le 7 mai pour déterminer la catégorie de déconfinement de chaque département en date du 11 mai. Puis directeur général de la santé présentera tous les soirs une carte avec les nouveaux résultats par département.
Concrètement, que va-t-il se passer ?
Voici comment se déroulerait le déconfinement à partir du 11 mai pour les écoles, les entreprises, les commerces, les transports, la vie collective et la vie sociale.
Écoles – Collèges et Lycées
Le Premier ministre propose la réouverture progressive des maternelles et écoles élémentaires sur tout le territoire et sur la base du volontariat, à compter du 11 mai. Dans un deuxième temps, à compter du 18 mai et dans les départements où la circulation du virus est très faible, il est envisagé d’ouvrir les collèges en commençant par les classes de 6e et de 5e. Il sera décidé fin mai la réouverture des lycées, en commençant par les lycées professionnels début juin.
Les classes rouvriront dans des conditions sanitaires encadrées. 15 élèves seront acceptés par classe et la vie scolaire sera organisée autour des gestes barrière, de mesures d’hygiène stricte. Les enseignants et encadrants des établissements scolaires recevront des masques à porter en cas de distanciation impossible. Le port du masque sera prohibé pour les enfants en maternelle, il n’est pas recommandé pour les niveaux élémentaires pour le risque de mauvais usages. L’Éducation nationale mettra des masques pédiatriques à disposition des directeurs d’école pour les cas particuliers, comme un enfant qui développerait des symptômes au cours d’une journée.
Le port du masque pour les collégiens sera obligatoire, il en sera fourni à ceux qui ne peuvent pas en disposer. La limite de 15 par classe pour tous niveaux imposera que certains suivent les cours de chez eux.
Les crèches seront aussi ouvertes avec un accueil par groupes de 10 enfants au maximum. Plusieurs groupes de 10 seront possibles s’ils n’entrent pas en contact. Les critères d’accueil seront à la discrétion des crèches, selon des critères économiques et sociaux. Le Premier ministre appelle à prendre en compte dans ces critères l’impossibilité de télétravail pour les couples d’actifs ou les difficultés rencontrées par les familles monoparentales, ainsi que les enfants des soignants et des professeurs.
Les entreprises et le plan de déconfinement
Le télétravail doit être maintenu partout où c’est possible pour les trois prochaines semaines, il doit se poursuivre pour limiter le recours aux transports publics et les contacts. Dans l’incapacité de télétravailler, la pratique des horaires décalés dans l’entreprise doit être encouragée afin de permettre l’étalement des flux dans les transports et la présence simultanée des salariés dans un même espace.
Le ministère du Travail travaille à la réalisation de 60 guides par secteur pour accompagner les réorganisations nécessaires au sein des entreprises. La démarche associe les partenaires sociaux et devra se concrétiser dans chaque entreprise sous la forme de nouveaux plans d’organisation du travail, des emplois du temps, la mise en place gestes barrières et l’aménagement des espaces de travail. Le port du masque sera obligatoire si les règles de distanciation physique ne peuvent être garanties.
Le dispositif d’activité partielle restera en place jusqu’au 1er juin. Il sera ensuite adapté progressivement afin d’accompagner la reprise d’activité.
Les Commerces
Les commerces rouvriront le 11 mai à l’exception des cafés et restaurants. Les marchés seront autorisés, sauf si les maires ou préfets estiment qu’ils ne peuvent être organisés dans le respect des gestes barrière et la distanciation physique.
Chaque commerce devra respecter un cahier des charges, avec un nombre de personnes limité dans les magasins et l’organisation de flux qui permettent une distance interpersonnelle minimale d’un mètre. La responsabilité de la protection du personnel incombe à l’établissement. Le port du masque grand public sera recommandé pour le personnel et les clients si les mesures de distanciation sont impossibles. Les commerçants auront le droit de subordonner l’accès à leur magasin au port du masque.
Une exception pour les centres commerciaux, dont la zone de chalandise va au-delà du bassin de vie : ils risquent de susciter des mouvements de population. Les préfets pourront décider de ne pas laisser ouvrir les centres commerciaux de plus de 40.000 mètres carrés, à l’exception des commerces alimentaires.
La décision d’ouvrir bars, cafés et restaurants après le 2 juin sera prise à la fin du mois de mai.
Les transports
Dispositif clé de la reprise économique, les transports posent le problème de la distanciation sociale et de l’application des gestes barrières. Pour ce qui est de l’île de France, 70% de l’offre de la RATP sera disponible le 11 mai. Le télétravail permettant de faire baisser la demande. Chaque région et agglomération est appelée à engager une concertation entre les autorités organisatrices de transports, les usagers et les opérateurs de transports pour décider des conditions de reprise.
Le port du masque sera obligatoire dans tous les transports, métros comme bus, et les opérateurs devront s’organiser pour permettre le respect gestes barrières au maximum. Cela inclut la réduction de capacité des métros, bus et bus scolaires à 1 siège sur 2 et le marquage au sol. Le port du masque pour les chauffeurs et pour les écoliers à partir du collège devrait être obligatoire. Il sera également obligatoire dans les taxis et les VTC qui ne disposent pas du système de protection plexiglas.
Pour les déplacements interrégionaux ou interdépartementaux, les déplacements autorisés seront réduits aux motifs impérieux familiaux ou professionnels. Cela signifie une réduction de l’offre et la réservation obligatoire dans les trains.
Avec le jeudi de l’Ascension qui arrive, le Premier ministre décourage fortement les déplacements.
Retour de la vie sociale
Il sera à nouveau possible pour tous de circuler librement, sans attestation, sauf pour les déplacements à plus de 100 km du domicile qui ne seront possibles que pour un motif impérieux, familial ou professionnel. Les aînés sont appelés à rester vigilants et se protéger en limitant contacts et sorties.
Il sera possible de pratiquer une activité sportive individuelle en plein air au-delà du périmètre d’1km, en respectant les règles de distanciation physique. Il ne sera possible ni de pratiquer du sport dans des lieux couverts, ni sports collectifs ni sports de contact. Les parcs et jardins ne pourront ouvrir que dans les départements où le virus ne circule pas de façon active. Les plages resteront inaccessibles au public au moins jusqu’au 1er juin.
Les lieux d’activités culturelles comme les médiathèques, les bibliothèques ou les petits musées qui permettent l’application des gestes barrière et de la distanciation sociale pourront ouvrir dès le 11 mai. Mais les musées qui attirent un grand nombre de visiteurs les cinémas, les théâtres et les salles de concert, salles des fêtes et salles polyvalentes resteront fermés au moins jusqu’au 2 juin.
Les grandes manifestations comme les festivals, les grands salons professionnels, tous les événements qui regroupent plus de 5.000 participants ne pourront se tenir qu’à partir de septembre. La saison 2019-2020 de sport professionnel, notamment le football, ne reprendra pas.
Les lieux de culte pourront rester ouverts, mais l’organisation de cérémonies est déconseillée avant le 2 juin. Les cérémonies funéraires resteront autorisées dans la limite de 20 personnes. Les cimetières seront ouverts au public dès le 11 mai. Le report des mariages sera encouragé par les mairies. Les rassemblements organisés sur la voie publique ou dans des lieux privés seront limités à 10 personnes.
A suivre
À la fin du mois de mai, les conditions de la seconde phase de déconfinement seront dévoilées. Il sera notamment question de discuter des modalités de réouverture des cafés, des restaurants et des vacances. La stratégie présentée ce 28 avril n’est pas un texte législatif, elle implique des décisions réglementaires ou individuelles prises par les ministres ou les préfets, ou par les présidents d’exécutifs locaux dans le champ de leurs compétences.
Par ailleurs le Premier ministre propose au Parlement d’adopter prochainement une loi qui, en plus de proroger l’état d’urgence sanitaire au-delà du 23 mai, peut être jusqu’au 23 juillet, autorisera la mise en œuvre des mesures nécessaires à l’accompagnement du confinement. Ce projet sera soumis à l’examen du conseil des ministres samedi prochain et sera soumis au Sénat et à l’Assemblée nationale la semaine prochaine.
Christophe PATTE