La gestion des temps de travail, c’est compliqué par nature. Législation, convention, jurisprudence : une grande partie de cette complexité est imposée par l’environnement. Mais les DRH oublient parfois de faire simple. Quand il s’agit de négocier des accords sur les temps de travail ou des règles de gestion des temps et absences, l’usine à gaz n’est jamais très loin. Avec à la clé, des coûts de gestion élevés pour le service paie !
Gestion des temps de travail et des absences : quand on oublie de faire simple
Dans un précédent article, nous avons détaillé les causes qui nous ont amenés aux pratiques de suivi des temps et de gestion des absences les plus complexes en Europe. Elles sont avant tout liées à l’environnement politique, législatif, conventionnel et jurisprudentiel français.
Mais ne négligeons pas la couche de complexité supplémentaire que les entreprises s’évertuent elles-mêmes parfois à ajouter à ce mille-feuille.
On peut recenser 4 causes principales qui conduisent régulièrement à ajouter de la complexité au système de GTA :
- la non dénonciation de pratiques désuètes ;
- le cumul des particularités des sites ;
- l’individualisation de la GTA ;
- la non différenciation cas général vs cas particuliers.
Maintenir des pratiques désuètes : une prime qui date du Front Populaire
Au fil des années (voire des décennies), les cas particuliers de gestion des temps se cumulent dans les entreprises. Et chacun de ces cas particuliers génère de la complexité dans le système de GTA.
Ainsi, dans cette vénérable entreprise industrielle (150 ans d’histoire), le service paie calculait une prime additionnelle aux heures supplémentaires qui avait été négociée lors…du Front Populaire (1936) ! Dénoncée dans les années 80, elle ne concernait plus que quelques salariés avec un montant mensuel inférieur à 10 euros par mois. Plutôt que de négocier sa suppression avec les partenaires sociaux, il fut décidé de la maintenir avec toute sa complexité dans la solution de GTA. Et ce, alors même que cette prime devait s’éteindre dans les 2 à 3 ans à suivre avec le départ des derniers intéressés.
Pour éviter ce genre de situation, un « toilettage » régulier des accords de gestion des temps ainsi que l’élimination de pratiques désuètes et coûteuses sont souvent nécessaires à la GTA, quitte à passer par la case négociation sociale.
Cumuler les particularités des sites
Ce phénomène est régulièrement constaté dans les entreprises qui font de la croissante externe et mettent en place une solution de GTA centralisée. Une entreprise du secteur de la logistique qui rachetait de nombreux concurrents avait pour principe de ne pas remettre en cause leurs pratiques de GTA. Ceci tout en les intégrant dans un logiciel unique de gestion des temps. Au bout de quelques années, le service paie s’est retrouvé avec pas moins de 250 primes et majorations différentes liées aux temps de travail, par la simple accumulation de toutes les spécificités de chaque site. On imagine facilement les coûts de gestion et les risques d’erreur. Sans parler des tensions sociales quand les salariés d’un ancien site découvraient que ceux d’un site récemment acheté avaient de meilleures conditions qu’eux !
Ce n’est que quand l’entreprise fut arrivée à une situation de blocage total (social et technique) qu’elle prit la décision de remettre à plat le réglementaire et de le normaliser pour tous ses sites moyennant une négociation sociale. Et ce qui était considéré comme une mission impossible pendant des années (« on n’y arrivera jamais avec nos syndicats ») devint pourtant une réalité au bout de…quelques mois.
Individualisation de la GTA
C’est une tendance largement rapportée par les RH et les managers : les salariés demandent de plus en plus une individualisation de leurs horaires de travail pour prendre en compte leurs contraintes personnelles (enfants, activités, transports….).
Si on comprend bien la dimension sociale de cet enjeu, ceci se traduit dans les faits par une multiplication des horaires de travail dans le logiciel de GTA. Et, par conséquent, un alourdissement de la gestion des plannings en particulier. Quand on regarde dans les détails, on se rend compte que l’on crée parfois des horaires de travail différents entre les salariés pour des plages qui varient parfois de quelques minutes seulement. Or, il est assez souvent possible de proposer des regroupements acceptables d’horaires et des compromis qui évitent la multiplication à l’infini des plannings dans une équipe.
Non différentiation cas général vs cas particulier
C’est une des grandes difficultés dans l’implémentation des logiciels de gestion des temps : distinguer ce qui relève d’un cas général qui doit être automatisé et ce qui est un cas particulier qu’il vaudrait mieux dans la plupart des cas générer manuellement.
Si les grandes règles définies par la loi et la convention collective ne font pas trop débat, l’accord d’entreprise peut recéler de nombreux cas particuliers qui adressent quelques salariés et pour des traitements épisodiques. Or, on a une fâcheuse tendance en France à multiplier les exceptions. Quand un DRH négocie une prime spécifique sur les temps de travail versée 2 fois par an à 5 salariés, il a probablement de bonnes raisons de le faire. Mais prend-il réellement en compte le coût de gestion qui explose si on multiplie ce genre de cas de figure ?
À retenir pour éviter que la GTA ne se transforme en usine à gaz
- Faire le ménage régulièrement dans son réglementaire pour éliminer ce qui n’a plus lieu d’être.
- Privilégier la négociation sociale pour normaliser tant que faire se peut la gestion des temps et des absences des différents sites.
- Mettre des limites à l’individualisation des horaires.
- Traiter les cas particuliers comme des cas…particuliers.