Créer un environnement de travail où chacun a sa place, une structure ouverte aux idées neuves mais qui conserve les bases solides des enseignements et de l’expérience des seniors tel est l’enjeu des équipes intergénérationnelles. Mais comment faire coexister et évoluer au sein d’une même entité des générations culturellement aux antipodes, à l’instar des baby-boomers et de la génération Y ? Rencontre avec Guillaume Lucas, Directeur Consulting Europe de l’Ouest et du Sud de Lumesse, l’un des leaders mondiaux des solutions de gestion des talents qui a dernièrement présenté un livre blanc intitulé "La force des équipes intergénérationnelles".
En quoi des équipes intergénérationnelles peuvent-elles être une force pour l’entreprise ?
Dans l’actuel contexte des débats autour du recul de l’âge des départs à la retraite, des voix se font entendre craignant un possible conflit intergénérationnel au sein des entreprises. Beaucoup pensent qu’il sera difficile de faire coexister dans une même structure des seniors expérimentés, en place depuis longtemps, et des jeunes loups de la génération Y, avides de nouveaux défis. Pourquoi ? Parce qu’ils craignent, au vu de la facilité avec laquelle cette dernière génération gèrent les nouvelles technologies, les réseaux sociaux (…) que cette capacité rende obsolète les compétences de leurs aînés. Loin d’être une bombe à retardement, la situation devrait plutôt apparaître saine et riche de possibilités. Dans une liste publiée par Forbes en 2012 des métiers qui n’existaient pas il y a dix ans figurent de nombreux postes actuellement recherchés par les entreprises, au nombre desquels les développeurs d’applications, les responsables de réseaux sociaux… Or ces rôles appellent nécessairement des profils jeunes, qui maîtrisent d’instinct la technologie : ce que la Génération Y incarne ! Bien entendu, ces nouveaux rôles ne se substituent pas aux anciens, ils les complètent. Quant aux seniors, leurs contributions restent essentielles à l’entreprise : ils apportent les enseignements de l’expérience, de leur savoir et de leur sens aigu des affaires.
Comment constituer ces équipes, identifier les compétences, savoir-être et savoir-faire de chacun, pour créer des groupes à fort potentiel ?
En sachant quelles sont les préoccupations de chaque génération, le recruteur peut mieux cibler ses communications pour donner à chacun le sentiment d’être compris et apprécié? Par exemple, la génération Y souhaite que l’on reconnaisse son potentiel de créativité et d’innovation. Logique, lorsque l’on sait, comme l’illustre une étude menée par Harvey Nash que la moitié des candidats IT de moins de 35 ans a déjà eu une expérience entrepreneuriale… Cependant, elle craint que sa productivité soit ralentie par la hiérarchie et les procédures traditionnelles. De plus les talents de la génération Y, se distinguent des autres candidats par leurs attentes vis-à-vis des capacités et dispositions technologiques de leur futur employeur. Ils sont de plus en plus nombreux à utiliser les terminaux mobiles pour leurs recherches et à s’informer sur les marques via les réseaux sociaux avant de décider où postuler. Les chercheurs d’emploi plus matures préféreront plutôt l’e-mail ou LinkedIn à Twitter. Vous avez intérêt à jongler entre les deux approches selon le profil que vous recherchez.
Comment par la suite faire fonctionner ces équipes et faire coexister différentes générations dans un même groupe ?
Selon moi, il faut adapter ses programmes d’apprentissage et de développement à chaque audience. Pour les personnaliser, il est alors possible de les classer par génération, par rôle, par compétences ou par n’importe quelle combinaison de critères adaptée à ses besoins. Il faut, par exemple, réfléchir aux atouts que la maîtrise du digital par la génération Y peut représenter pour l’entreprise et prévoir la diversification ou le perfectionnement de l’utilisation de ces outils dans le plan de développement personnel. Ainsi, l’entreprise mettra toutes les chances de son côté pour valoriser les compétences spécifiques de la génération Y et évitera qu’ils passent à la concurrence. Concernant les générations plus matures, il est bon que les programmes d’apprentissage et de développement les encouragent à mieux comprendre les apports du digital à l’entreprise. Cela leur permettra de mieux comprendre l’apport de la génération Y dans le contexte professionnel.
En quoi le RH peut-il favoriser ses interactions et le développement de ces équipes intergénérationnelles ?
Les DRH ont un rôle d’intermédiaire à jouer pour concilier et satisfaire les attentes des deux générations. Ceci suppose de mettre en place une stratégie globale, culturelle, de gestion du recrutement et des talents, apte à identifier ces différents groupes. Il doit par ce biais réussir à les impliquer, à trouver des terrains d’entente et à mesurer la réussite, car chacun apprend différemment et a sa propre notion de la performance de l’entreprise. Il est donc essentiel de convaincre toutes les générations, avec le même message, tout en l’adaptant aux différents canaux de communication.
Gérald Dudouet