Les entreprises ont de plus en plus conscience de la réalité des risques psychosociaux. Elles s’organisent pour y faire face et aussi les prévenir. Simultanément, les prestataires développent différentes solutions, dont certaines innovantes pour les aider dans ces deux missions.
Myrhline a assisté à la conférence intitulée « comment agir contre les risques psychosociaux » lors du salon SRH tenu porte de Versailles début mars. Trois intervenants d’horizons différents ont mené les débats : Patrick VISIER (Président de l’association Stress Experts), Docteur Philippe RODET (membre fondateur du Cercle Stress Info) et Raphaël DOUTREBENTE (DRH)
Le but de l’association Stress Experts est double : l’idée est de constituer un réseau d’intervention et de répondre aux entreprises pour gérer le stress. Leur ‘devise’ est « connaître pour mieux agir ».
Pour parvenir à ces fins, il faut tout d’abord identifier ces risques psychosociaux : au sens large ils englobent non seulement le stress au travail mais également les violences externes (insultes, menaces, agressions) et internes (harcèlement moral ou sexuel, conflits exacerbés) ; en résumé, toute source de souffrance et de mal-être au travail et/ou atteinte à l’intégrité physique et mentale des salariés.
Au regard des chiffres, près de 60% des salariés sont souvent contraints d’abandonner une tâche pour en commencer une plus ‘urgente’ mais 48% travaillent constamment dans l’urgence. Il a également été observé que seulement 37% des salariés avaient des horaires de travail normaux (9H-18H), et qu’1 salarié sur 6 était la cible de comportements hostiles au travail.
Mais quels sont les indicateurs du ‘dérèglement de la machine’ ?
Il en existe deux types : des indicateurs collectifs et observables, et les indicateurs individuels. Parmi les indicateurs collectifs : une hausse de l’absentéisme et des retards, un haut niveau de turn-over, un nombre croissant d’accidents du travail ou d’erreurs professionnelles, une augmentation des problèmes de santé, des problèmes interindividuels, une baisse de la productivité et de la qualité.
Au niveau individuel, les indicateurs seront essentiellement : physiques (maux de tête, crampes, maladies cardiaques, hypertension, voire ulcères), psychologiques (insatisfaction, fatigue, troubles de la concentration et de la mémoire) et comportementaux (irritabilité, agressivité, augmentation des addictions)…
Comment peut-on mesurer ces risques psychosociaux ?
La plupart du temps, la ‘mesure’ de ce stress fait peur à l’entreprise (peur d’un classement négatif). Mais la bonne attitude à adopter est de retirer ses œillères et d’affronter la réalité en face. Quelles sont donc les méthodes à mettre en place ? Il est possible de faire circuler des questionnaires déclaratifs au sein de l’entreprise, de mettre en place des entretiens non-directifs ou même de mesurer ce stress électroniquement : par exemple grâce au stressomètre de Comby (basé sur les tremblements), à un assistant électronique, à l’outil QPM…
Pour suivre l’évolution selon les solutions mises en œuvre, un baromètre peut également être mis en place, mais il est conseillé de le revoir à peu près tous les 6 mois.
Et au niveau information / formation ?
Ce qu’il faut retenir c’est qu’« on a moins peur de ce que l’on connaît, et encore moins de ce qu’on a appris à maîtriser ». Outre la presse, les ouvrages dédiés au sujet, des conférences ou ateliers, il est donc conseillé d’apprendre à maîtriser les effets du stress (pour les salariés) ou certaines de ses causes (pour les managers). Le but est de se poser les bonnes questions : côté managers, l’objectif n’est pas de savoir si l’on est stressé mais plutôt de se demander si nos pratiques entraînent du stress. Si c’est le cas, l’idée est d’en prendre conscience et d’éviter le déni.
De façon individuelle, la lutte contre le stress peut se faire par des techniques simples : respiration, alimentation saine, sommeil, sport, confiance en soi…
Mais de façon générale, l’idée est de commencer par contrôler la présence et le niveau des risques psychosociaux en les identifiant et en les mesurant, puis d’agir sur la prévention et la réduction de ce stress.
Etude de cas
Il existe plusieurs leviers de performance et de protection à la portée des managers et salariés :
– L’autonomie, la liberté d’action : dans beaucoup d’entreprises il a été prouvé qu’autonomie était synonyme de performance. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que la société Atlassian a créé la journée de l’autonomie pour permettre à ses salariés de non pas ‘travailler’ à proprement dit mais de réfléchir à ce qui pourrait être mis en œuvre afin d’améliorer les conditions de travail, par exemple.
– La maîtrise du juste niveau de difficulté par rapport aux capacités du salarié, et l’adaptation fréquente entre ce niveau et ses capacités selon évolution.
En effet, si l’objectif est positionné trop haut, le salarié n’ira pas loin et subira le stress de ne pas réussir à atteindre cet objectif ; tandis que si l’objectif est trop bas, le salarié sera en état de flow. Et en plus de se voir fixé un objectif réaliste, il sera primordial que le salarié prenne conscience de son utilité pour être plus performant.
– Implication du salarié : une notion d’intérêt général devra être glissée parmi les objectifs (réalistes) fixés au collaborateur, afin qu’il se sente réellement impliqué et qu’il n’ait pas l’impression de travailler seulement en échange d’un salaire.
– Le pardon : « Œil pour œil, dent pour dent » devra être banni de votre vocabulaire pour laisser place à ce levier de performance et de protection certes atypique mais source de bien-être, de motivation et d’intelligence collective au sein de l’entreprise.
– Les encouragements : souvent peu spontanés, les encouragements de la part d’un manager ou d’un chef font pourtant très souvent baisser le niveau de stress d’un salarié (32% pour les hommes et 43% pour les femmes) et constituent ainsi un levier significatif de performance.
Pourquoi ces leviers fonctionnent ?
Ils créent de l’harmonie et de la motivation via la libération d’une hormone appelée la dopamine (hormone du plaisir) qui elle-même provoque l’endorphine : un cercle vertueux et protecteur est ainsi mis en place pour réparer les dégâts du stress.
L’ocytocine, responsable de l’empathie et de la générosité, est synonyme de performance et entre également dans ce processus purificateur.
Pour conclure il suffira de souligner que le but des entreprises est donc aujourd’hui d’allier bien-être et performance.
Le témoignage du DRH
Voici le cas personnel de Raphaël Doutrebente chez Brittany Ferries en tant que DRH ayant côtoyé le stress au travail.
Suite à la directive européenne de 2004 concernant le stress au travail, il décida de lancer une étude en 2008 appelée « Qualité de vie au travail ».
L ‘idée était de créer un questionnaire et de le faire remplir par les salariés d’une entreprise ; d’analyser les réponses sous plusieurs axes : conditions de travail, ressenti sur la formation professionnelle, difficultés du management (évolution positive ou négative), médical (stress, souffrance au travail…) ; et de restituer ces résultats lors d’un voyage en bateau mais également de façon individuelle (ce qui a été dit de chaque salarié).
Son principal conseil pour les personnes susceptibles de mener des missions en RH : porter une attention particulière à la santé et la sécurité des salariés.
Floriane DRAPEAU