Alors que la question du handicap reste délicate en entreprise, la plateforme Coline.care innove. Avec son approche fondée sur la pair-aidance et un accompagnement global, elle propose un nouveau modèle d’inclusion pour les travailleurs en situation de handicap invisible ou non.
Le maintien dans l’emploi et l’insertion des personnes en situation de handicap constituent un défi persistant pour les DRH. Si la loi impose des objectifs, les mentalités, elles, évoluent plus lentement. Pourtant, des solutions apparaissent pour lever les freins, sensibiliser les collectifs et répondre aux besoins individuels. Parmi elles, Coline.care, cofondée par Mathilde Murzeau, se démarque par une vision humaine et pragmatique.
Sa mission ? Mettre en relation des collaborateurs concernés avec des pairs expérimentés, accompagner les entreprises, et faciliter des recrutements réellement inclusifs. Mais comment fonctionne cette plateforme ? Quels obstacles rencontre-t-elle encore ? Et quelle place prendra le handicap invisible dans les années à venir ? Autant de questions que nous avons pu poser à Mathilde lors d’un entretien accordé à myRHline.
Pouvez-vous nous expliquer la genèse de Coline.care ?
Je suis à l’origine de Coline.care, créée après avoir moi-même déclaré une bipolarité à 28 ans. Cet épisode a été un véritable choc pour moi, mais aussi pour mon collectif de travail, peu outillé pour m’accompagner. En constatant l’isolement des personnes atteintes de maladies chroniques, nous avons eu envie, avec Jonathan, mon associé, de construire un dispositif d’entraide fondé sur la pair-aidance.
Autrement dit, de permettre à des collaborateurs de partager leur vécu avec d’autres, formés à transformer leur expérience en expertise. L’enjeu avec Coline.care est donc de favoriser le maintien dans l’emploi et rompre l’isolement, en associant à la fois des ressources pédagogiques et l’accompagnement par des patients-partenaires.
En quoi consiste concrètement votre mission ?
En pratique, nous connectons des salariés touchés par le handicap, qu’il soit visible ou invisible, à des pairs qui ont traversé des situations similaires. Ceux-ci sont formés via un diplôme universitaire, pour garantir un accompagnement de qualité.
En parallèle, nous sensibilisons les entreprises et formons les collectifs de travail. Car souvent, le sujet du handicap, surtout invisible, reste tabou. Pourtant, la plupart des handicaps nécessitent peu d’adaptations techniques : aménagement des horaires, flexibilité, télétravail suffisent dans bien des cas. Notre objectif est donc de normaliser l’accueil de la vulnérabilité en entreprise, afin de rendre le cadre de travail plus inclusif.
Pouvez-vous nous expliquer le Coline Social Club ?
Le Coline Social Club est une extension de notre accompagnement, conçue pour fluidifier l’accès à l’emploi des candidats ayant une RQTH. Nous les aidons à formuler leurs besoins, via un formulaire détaillé, puis nous les rencontrons en entretien téléphonique. Nous avons fait le choix de ne pas utiliser d’algorithme : nous misons donc exclusivement sur l’humain pour qualifier leur parcours et leurs attentes.
Ensuite, un back-office leur permet de suivre leur dossier, mettre à jour leur CV ou ajouter leur profil LinkedIn. Côté employeurs, nous vérifions que l’entreprise peut réellement adapter son environnement de travail avant toute mise en relation. Par exemple, respecter un temps partiel ou aménager des horaires en fonction d’un traitement médical.
C’est ce que nous appelons le matching éthique. Car il s’agit de recruter une personne, pas uniquement une RQTH, en s’assurant que ses conditions d’exercice seront respectées. Nous nous positionnons ainsi comme un tiers de confiance, garant d’une relation sincère et transparente des deux côtés.
Quel accompagnement proposez-vous aux entreprises partenaires ?
Nous accompagnons les entreprises sur plusieurs volets. Nous les aidons à structurer leur mission handicap, à repérer les salariés concernés, mais aussi à sensibiliser le collectif. Nous proposons ainsi des formations pour les managers et pouvons mobiliser des consultants en risques psychosociaux si des tensions apparaissent dans une équipe.
Par ailleurs, nous intégrons parfois des assistantes sociales ou des dispositifs d’alerte directement sur la plateforme. Ceci afin de s’adapter au fonctionnement interne de chaque structure.
Par exemple, nous avons personnalisé la plateforme pour la Croix-Rouge afin de rediriger les utilisateurs vers leur propre conseillère sociale. De même pour Galileo, acteur de l’éducation, nous avons personnalisé la plateforme afin que ses utilisateurs puissent être mis en lien avec leurs propres outils d’accompagnement psychologique. Cette flexibilité nous distingue, car nous couvrons l’ensemble du parcours, du collaborateur à ses proches aidants, en passant par les managers. Nous apportons ainsi un soutien global, sans laisser de zones grises
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Quels sont les freins du côté des employeurs ?
Il faut bien admettre que les DRH sont très sollicités et disposent de budgets restreints. Ce qui freine parfois l’adoption de nouvelles solutions. Au lancement, la pair-aidance, encore peu connue en France, pouvait aussi susciter des interrogations sur la qualité de l’accompagnement. Mais progressivement, grâce à la maturité des entreprises sur les sujets de l’inclusion, nous avons réussi à lever ces doutes. Bien entendu, les obligations légales et la volonté de diversifier les équipes constituent également de puissants leviers pour convaincre.
Comment percevez-vous l’évolution du handicap, notamment invisible, dans les années à venir ?
J’ai la conviction que l’on va vers davantage de sincérité et de transparence. Même s’il restera des entreprises réfractaires, la plupart intégreront mieux la notion de singularité. Il faut surtout réussir à lever l’autocensure : beaucoup de salariés n’osent pas se déclarer par peur de stigmatisation. (Le même constat a d’ailleurs été fait par Didier Eyssartier lors de la dernière SEEPH, ndlr.).
Demain, je souhaite que le monde du travail permette à chacun d’être lui-même, sans devoir masquer sa pathologie. Plus on libère la parole, plus on développe un climat de confiance, et donc de performance. Ce n’est pas un luxe : la santé mentale sera la première cause de handicap d’ici dix ans selon l’OMS. Les entreprises devront donc s’y préparer, en apprenant à accueillir les fragilités sans les banaliser.
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