Et si méditer permettait aux décideurs de développer leur stratégie d’entreprise ? Avec « Ces décideurs qui méditent et s’engagent. Un pont entre sagesse et business », récemment publié chez Dunod, l’auteur Sébastien Henry a rencontré plus de 60 décideurs à travers le monde qui ont trouvé dans cette pratique, au-delà de la gestion du stress, des clefs pour amplifier leur leadership.
Est-ce-que la méditation est une pratique courante chez les décideurs ?
Elle n’est encore pratiquée que par une minorité de décideurs, mais c’est une minorité en forte croissance, qui comprend des décideurs comme John Makey, PDG de Whole Foods Market ou Bill George, ancien PDG de Medtronic, ou Thierry Marx, Chef Exécutif du Mandarin Oriental à Paris.
Cette pratique se répand actuellement car de plus en plus de décideurs sont en train de prendre conscience qu’elle est beaucoup plus concrète et utile pour leur mission professionnelle qu’ils ne l’imaginaient. Pour mon dernier livre j’ai interrogé plus de 60 décideurs dans 10 villes, réparties dans le monde, qui ont une pratique régulière, ce qui aurait encore été difficile à trouver il y a 10 ans. La plupart ont en effet commencé il y a 2 ou 3 ans. Ce qui est intéressant, c’est que leurs convictions religieuses sont très varies : la méditation peut attirer aussi bien des chrétiens, que des bouddhistes, des musulmans ou des athées car elle peut être pratiquée de façon entièrement laïque ou bien intégrée à foi religieuse existante.
Que peut apporter la pratique de la médiation chez les décideurs ?
Chaque parcours est différent, mais au travers des entretiens que j’ai menés, et ma propre pratique depuis plus de 12 ans, j’ai pu constater que les effets les plus souvent mentionnés (moins de stress, plus de concentration) ne sont pas les plus importants pour beaucoup de décideurs. Ils apprécient encore plus la prise de recul que cette pratique leur offre, et le fait qu’elle leur permette de mieux se connaître, d’être plus à l’écoute de leurs collaborateurs (capacité d’empathie accrue) mais aussi plus créatifs (le lien entre méditation et créativité a été par exemple illustré par Steve Jobs, qui a affirmé que ses idées les plus créatives lui étaient venues après une séance de méditation). Surtout, après un certain temps de pratique, commence à émerger en eux un questionnement essentiel sur leur style de leadership, leur rôle en tant que leader, ainsi que le sens de leur action. Beaucoup d’entre eux constatent un désir croissant d’apporter une contribution positive plus forte à la société.
Mais lorsque l’on parle des bénéfices de la méditation, il est essentiel de conserver une attitude fondamentale qui consiste à ne rien chercher à atteindre ou à réussir. Ce n’est pas habituel pour la plupart des décideurs, qui sont habitués à agir en vue de réussir quelque chose. Et pourtant c’est la condition d’une pratique authentique qui ne se transforme pas en combat contre soi-même.
Y-a-t-il aujourd'hui, des preuves scientifiques, sur les bienfaits de cette pratique ?
Les preuves scientifiques que la pratique de la méditation a des effets physiologiques positifs se sont accumulées ces dernières années, notamment suite aux travaux des scientifiques américains Jon Kabat-Zinn et Richard Davidson. Elles sont désormais très nombreuses, notamment en ce qui concerne le niveau de stress ou la capacité de concentration.
Je crois en l’intérêt que présente la recherche scientifique (j’ai d’ailleurs collaboré avec un Docteur en neuro-sciences installé aux Etats-Unis pour mon dernier livre), et en même temps, je suis aussi convaincu qu’il ne faut pas négliger l’importance des témoignages des décideurs. Je suis frappé par exemple par le parcours d’une dizaine de décideurs qui ont une pratique régulière et que j’ai invités à se rencontrer une fois par mois dans le cadre d’un cycle “Méditation et Leadership”: beaucoup indiquent que la pratique de la méditation a été fondamentale pour eux.
Même sur une période courte d’une dizaine de semaines, les témoignages de participants qui n’avaient jamais pratiqué sont souvent convaincants, comme dans les programmes MBSR ou dans le cas d’un programme que j’ai co-conçu avec Thomas Emmanuel Gérard (Mindful Intelligence) pour Sodexo. Cette dernière expérience a été passionnante car l’intention de la direction de business unit concernée était vraiment de mettre ce programme au service du bien-être des collaborateurs.
Comment pratiquer la méditation et trouver le temps nécessaire à cette démarche lorsque l'on est un décideur très occupé ?
Ce n’est évidemment pas facile, et une pratique régulière demande une certaine discipline, surtout au début. Mais j’observe que beaucoup de décideurs – qui sont d’ailleurs souvent dotés d’une belle capacité de discipline – s’engagent avec enthousiasme dans une pratique régulière dès qu’ils font l’expérience de ce qu’elle leur apporte. Au-delà des effets mentionnés dans le début de notre entretien, ils ont la sensation d’être plus lucides, plus posés, plus inspirants pour leurs collaborateurs, et finalement plus en harmonie profonde avec qui ils sont vraiment.
Gérald Dudouet