Le sondage est-il une bonne occasion de faire valoir « le droit d’être entendu » ? La pratique est plus commune Outre-Atlantique que dans l’Hexagone, mais fait partie de la boite à outils RH. A grand renfort de précaution quant à la confidentialité et à la mise en place du dispositif, le sondage interne des salariés d’une entreprise ou d’un de ses département s’avère un moyen de créer de la valeur ajoutée, et de renforcer le lien entre le management et les employés.
L’ « exemple » Outre-Atlantique
Rendons à Jim collins, ce qui appartient à Jim Collins. Dans son best-seller – encore une perçée du monde anglophone dans notre Vieille Europe -, il écrit : « Il y a une immense différence entre le droit de parole et le droit d’être entendu. Les bons et les très bons leaders ont compris cette distinction, et ont créé une culture dans laquelle les gens avaient d’excellentes occasions d’être entendus. » Le sondage est-il l’une de ces occasions ? Outre-Atlantique, il est pris comme tel. Une dizaine d’années en arrière, l’université de Saskatchewan, au Canada, lançait une opération « sondage du moral des troupes » auprès de son personnel. Objectif ? Mesurer la réussite de l’organisation. Et cela via le degré de satisfaction et d’engagement du personnel, « un indicateur clé » selon le document de présentation de l’université.
Le grand annuaire du web recense peu de prestataires privés de sondages exclusivement dédiés aux ressources humaines. La plupart sont canadiens, américains ou anglais. Tous prônent ce lien entre motivation des salariés et réussite de l’entreprise. Le sondage permet de mesurer l’efficacité d’une stratégie RH, mais aussi d’évaluer la diversité, l’alignement aux valeurs de l’entreprise mais aussi la créativité, les compétences et les besoins, pour finalement « créer de la valeur ajoutée », déduit HR Dialog, prestataire de sondages RH sur son site.
« Le sondage permet de renforcer la relation entre le management et les salariés, à condition qu’il ne soit pas le seul lien entre les deux parties », tempère Chistophe Réville, psychothérapeute et consultant en entreprises. Il ne s’agit pas non plus de noyer le personnel sous les sondages. « Un baromètre tous les 3 ou 6 mois suffit », ajoute-t-il.
Survey Monkey, géant du sondage en ligne gratuit, a observé les demandes de sa clientèle, principalement américaine. « 20% des abonnés de Survey Monkey, soit plus d’un million, l’utilisent à des fins RH », apprend-on. A y regarder de plus près, en Europe, Survey Monkey, fier de citer parmi ses abonnés Volvo, Danone, Xerox, Roche et d’autres, compte « 200 000 professionnels RH », dont la moitié au Royaume-Uni. Si Survey Monkey n’est pas spécialisé dans le sondage RH, il propose des modèles de questionnaires centrés autour de la satisfaction des employés (moral, environnement de travail, point du vue sur le management), de l’évaluation de leur compétences, ou encore des besoins en formation. « Le modèle le plus prisé aux Etats-Unis est l’évaluation 360 degrés du salarié », précise Pauline Dovergne, responsable marketing du prestataire de sondages.
Application en France : avec sérieux et précaution
« En France, 3% des sondages sont liés aux Ressources Humaines », informe Pauline Dovergne, avant de nuancer cette faible part par le récent lancement du site dans la langue de Molière, début juin 2010. « Parmi les créateurs de sondages orientés RH, complète-t-elle, nous avons des départements RH en entreprise, des cabinets RH mais également des établissements publics. En juillet nous avions 869 utilisateurs Français Professionnels (payants). »
A partir des 46 questions les plus posées aux Etats-Unis et relatives au secteur RH, le géant du sondage en ligne a mis en place trois modèles à destination des utilisateurs français. Pour mesurer la satisfaction des employés, on trouve des questions tout à fait formelles, du type « Vos tâches sont-elles routinières ? Votre travail est-il stressant ? Vos collègues sont-ils amicaux, votre directeur encourageant ? » La plupart sont des questions fermées ou à choix multiples (notation, suggestion d’adjectifs). « Les question ouvertes sont plus difficiles à interpréter, car la réponse est faite en fonction de facteurs subjectifs, à mois de suggérer des mots-clés », explique Christophe Réville. Et poursuit avec deux autres conseils : « Les grilles d’évaluation doivent comporter des nombre pairs, pour éviter la tentation de répondre au milieu » et « le concepteur du sondage doit porter une grande attention à l’accessibilité du vocabulaire ».
Au-delà du palmarés des 46 questions de Survey Monkey, le prestataire donne d’autres exemples, bien moins formels : « Dans quel lieu pensez-vous que notre entreprise devrait organiser sa fête de Noël ? » ou encore « Devrions-nous prévoir du jus d’orange ou du jus d’ananas dans le frigo du bureau ? ». Des questions qui ont moins de chance de prouver leur efficacité dans l’Hexagone, selon Pauline Dovergne : « Les américains sont plus habitués à ce type de questions, dans leur quotidien. En France, on s’attend à des questionnaires plus sérieux, sur le recrutement ou les bilans de compétences ».
De chaque côté de l’Antlantique, et bien au-delà du seul secteur RH, les mœurs diffèrent. Mais rien n’empêche de s’inspirer d’autres pratiques, à condition de les adapter à la culture locale. En France, il faut prendre des précautions quant à la confidentialité, mais aussi dans le message d’accompagnement et la publication des résultats. « Le management intermédiaire doit informer et former au préalable sur le principe même du sondage et ses objectifs », précise l’auteur de www.psyco-travail.com. Le sondage ne doit pas se présenter sous la forme d’une obligation, mais plutôt d’une « vive sollicitation ». Il convient d’insister sur l’anonymat de cette enquête interne. Quant aux résultats, « ils doivent être publiés, dans le Bulletin d’Information ou la Lettre Interne par exemple, intime Christophe Réville, pour ne pas donner l’impression aux salariés d’avoir perdu du temps ou d’avoir réalisé un sondage juste pour le plaisir de la direction ».
Typhanie Bouju