Au vu des évènements qui ont frappés le pays ces derniers jours, certains salariés se sentant en danger sur leur lieu de travail ont fait jouer leur droit de retrait. De quoi s’agit-il ?
Lundi matin, les Franciliens avaient la gueule de bois. Et pourtant, ils ont dû reprendre le chemin du boulot. Amers, déboussolés, angoissés mais en route quand même. Mais mercredi matin, nouvelle scène de guerre. A nouveau des sirènes qui hurlent dans tous les sens, à nouveau des explosions, à nouveau des tirs de Kalachnikov nourris, à nouveau des grenades qui explosent. Cette fois, l’assaut a été donné par les forces de l’ordre dans une planque de terroristes dans le centre historique de Saint-Denis (93). A quelques centaines de mètres à peine du Stade de France. A quelques centaines de mètres également des locaux de nombreuses entreprises. Petites et grandes.
Au moment de partir rejoindre leur bureau, les collaborateurs de ces sociétés se sont interrogés sur l’hypothétique danger à se rendre sur leur lieu de travail. Accrochés à leur smartphone, ils étaient à l’affût de la moindre information. Et tentaient de rassurer leurs proches qui les savaient en partance pour Saint-Denis. Ainsi, une salariée d’un opérateur téléphonique installé près du Stade de France, a envoyé ce SMS à ses connaissances : « il n’y a pas de contre indications à ce que nous allions travailler à Saint-Denis d’après la Préfecture et les ressources humaines. Quelle période terrible ! ». Elle a donc rejoint donc son bureau par les transports en commun.
Et pourtant, en ce mercredi 18 novembre, cette salariée aurait pu faire jouer son droit de retrait. Défini par les articles L4131-1 et L4131-3 du Code du travail, le droit de retrait permet au collaborateur qui « a un motif raisonnable » de penser qu’une situation de travail « présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé » de « se retirer d’une telle situation ». Le tout, en lui garantissant « qu’aucune sanction, aucune retenue sur salaire » ne lui sera appliquée. Un salarié peut tout à fait jouer son droit de retrait sans avoir besoin l’autorisation de son employeur. Toutefois, il doit immédiatement prévenir son employeur ou son représentant du personnel de cette situation de travail dangereuse à ses yeux. Mais le salarié peut également avertir ses supérieurs ultérieurement. Voire en être dispensé si le droit de retrait semble évident au regard des circonstances. Les salariés de Saint-Denis, où s’est donc déroulé l’assaut contre le commando de Daesh, n’avaient par exemple pas nécessairement besoin de prévenir leur employeur compte tenu du contexte dangereux sur la commune.
Deuxième obligation pour le salarié : avoir un « motif raisonnable ». Or, il n’y a pas, à ce jour, de définition juridique du « motif raisonnable ». D’où les multiples contestations devant les tribunaux. Mais pour Eric Rocheblave, avocat au barreau de Montpellier cité par Le Figaro, l’acceptation du droit de retrait reste assez large surtout si plusieurs signaux d’alerte sont envoyés par les autorités. « Dans le cas de Saint-Denis, on est dans une situation d’alerte rouge sur le territoire, une intervention de police, des écoles qui annoncent leur fermeture, il n’y a donc pas réellement de doutes à avoir. Globalement, même en cas de risque minime, ce droit s’applique », conclut ce spécialiste du droit du travail.
Sylvie Laidet