À quand une loi pour autoriser le père Noël à travailler en décembre ? On croyait que le Code du travail français, avec ses milliers de pages, ses articles à tiroirs et ses exceptions à l’exception, avait déjà tout vu et tout prévu. Mais, en France, on n’hésite jamais à emprunter la voie parlementaire même pour régler des points microscopiques du droit du travail ! Ainsi, le Sénat a adopté, en première lecture, une proposition de loi pour autoriser les boulangers, les fleuristes et quelques autres à faire travailler leurs salariés volontaires… le 1er mai.
Travail du 1er Mai : un texte pour tout et surtout pour pas grand-chose
Le point de départ ? Un flou juridique. Des boulangers ont été sanctionnés pour avoir ouvert boutique le 1er mai et fait travailler leurs salariés volontaires. Ils ont été relaxés, car la justice a estimé que leur activité entrait dans les fameuses « dérogations possibles ». Mais plutôt que de laisser la jurisprudence faire son œuvre — ou que le ministère du Travail émette une simple circulaire de clarification (les fameux secteurs d’activité qui manquent aujourd’hui) — la République a choisi la voie la plus complexe : la loi.
Résultat : un article unique a été voté le 3 juillet 2025 par le Sénat pour encadrer ce micro problème. Il prévoit que certains salariés, uniquement dans les secteurs cités (les fleuristes, les boulangeries, la culture…), pourront travailler le 1er mai, s’ils sont volontaires, et uniquement si un document écrit le prouve. Car évidemment, en France, pas de droit sans formulaire.
Une bureaucratie qui tourne à fond
C’est l’illustration parfaite de la pathologie française : l’incapacité à résoudre simplement une situation concrète, sans pondre une usine à gaz législative. Pour un sujet aussi trivial qui concerne quelques milliers de salariés tout au plus, on mobilise le Sénat, les commissions, les rapporteurs, les amendements. Et demain, l’Assemblée nationale, les navettes parlementaires, les publications au JO. Tout cela pour quoi, au juste ?
Et surtout, on banalise le recours au législateur pour ce qui, dans n’importe quel pays un tant soit peu rationnel, serait tranché par la voie réglementaire ou la négociation de branche. Une démarche de dialogue social qui apporterait des garanties suffisantes pour éviter la multiplication des dérogations que semblent redouter les syndicats.
En parallèle, de vrais enjeux du Code du travail restent sur le bord de la route. La complexité des contrats, l’insécurité juridique permanente, la précarité, le temps partiel subi, les abus sur les CDD, entre autres.
Un texte de loi qui en appelle bien d’autres
Le plus ironique dans tout cela ? Cette « clarification » juridique est ultra ciblée : elle n’autorise pas le travail le 1er mai dans les secteurs autres que ceux qui sont cités dans le texte de loi. De ce fait, ce texte crée une obligation de passer par la voie législative, si d’autres secteurs viennent à demander à bénéficier des mêmes dispositions (autres commerces de proximité, e-commerce, logistique…).
En légiférant sur la possibilité de vendre des croissants le 1er mai, la France démontre encore une fois qu’elle ne sait jamais faire simple. À quand un projet de loi pour autoriser les coiffeurs à couper les cheveux le lundi ? Ou un texte définissant les conditions précises du travail des vendeurs de marrons chauds en décembre ? Voire les périodes et horaires de travail du… père Noël !
En attendant, le Code du travail s’allonge. Et la complexité gagne encore du terrain avec un droit du travail devenu si complexe qu’il en devient illisible, contre-productif, et injuste. Ce n’est plus un cadre protecteur, c’est un labyrinthe.
Source(s) documentaire(s) :
- Permettre aux salariés de certains secteurs de travailler le 1er mai, Sénat
- Photo © Sénat/Paul Leraitre