Les chemins tout tracés ? Très peu pour Marine Hévin. Issue de la fonction publique, où elle est passée par le secrétariat, la régie ou la coordination d’un parc de logements hospitaliers, elle s’est formée sur le terrain. Pratiquant déjà, de façon plus ou moins informelle, une RH de proximité et opérationnelle, elle s’est peu à peu orientée vers les ressources humaines jusqu’à reprendre ses études. Aujourd’hui en master manager des RH, elle partage cette trajectoire atypique.
Entre dialogue social, recrutement, et reprise d’études, Marine revient sur ce parcours hors des sentiers battus, et sur ce qu’il lui a permis de comprendre de la fonction RH.
Marine, quel est votre parcours professionnel ?
J’ai d’abord fait un BTS assistant manager à Nevers entre 2009 et 2011. J’aurai aimé poursuivre mes études en RH tout de suite après, mais les formations disponibles localement étaient rares, et partir aurait représenté un coût important. Alors je me suis lancée dans la vie active à un poste d’adjoint administratif rattaché au conseil départemental de la Nièvre, où je suis restée sept ans. À cette époque, je faisais surtout du secrétariat et de la régie. Mais, j’avais besoin de sens, de mouvement, d’un environnement où je pouvais apprendre.
C’est au centre hospitalier de Nevers que j’ai commencé à toucher aux RH. Je suis arrivée au service achats, mais très vite, on m’a intégrée au dialogue social. Et là, ça a été une vraie prise de conscience, qui a ravivé l’intérêt que j’avais déjà pour les RH après mon BTS. Je m’occupais du CHSCT, rédigeais les comptes rendus, et gérais, entre autres, ce que l’on appelle le « fil rouge », des points sensibles à présenter en instance. Je faisais le lien entre les membres élus et les directions.
Pendant plus de cinq ans, j’ai appris énormément. J’ai passé et réussi le concours de catégorie B, cadre de proximité en milieu hospitalier. Mais, comme souvent dans la fonction publique, j’étais sur plusieurs missions à la fois. À titre d’exemple, mes missions avec la DRH en instance se cumulaient au poste de responsable du parc de logements pour les internes. Et, en définitive, j’avais l’impression de me disperser, alors que j’avais l’envie d’aller plus loin sur le volet de la gestion du capital humain.
Pourquoi avoir fait le choix d’une reprise d’étude dans le domaine RH ?
D’abord, parce que je n’avais pas oublié mes ambitions de fin d’études vis-à-vis desquelles j’avais toujours une impression d’inachevée. Mais aussi, car au bout d’un moment, j’avais besoin de formaliser ce que j’avais appris sur le terrain puisque j’avais une partie de la pratique, sans l’expertise.
Reprendre mes études, c’était une forme de revanche. De fait, j’ai pris une disponibilité, et je me suis lancée dans un bachelor RH, puis dans un master RH.
Je suis en alternance, donc je continue de travailler. Je fais principalement des bilans de compétences, mais aussi du recrutement, de la gestion administrative. C’est dense, mais j’adore ça. Et je me rends compte à quel point l’alternance est un format d’apprentissage précieux, puisqu’on ne reste pas dans la théorie pure.
Quelle différence avez-vous perçue entre le secteur public et le secteur privé ?
La différence est plus structurelle que culturelle. Dans le public, j’avais des responsabilités : dialogue social, relations avec les syndicats, gestion du parc de logements pour les internes… La polyvalence est réelle, mais le cadre reste très figé. Le parcours professionnel dépend de concours, de statuts, de mobilités très réglementées. De fait, même avec l’expérience, on vous renvoie vite au fait que vous n’avez pas « le bon diplôme » ou « le bon statut », et c’est très frustrant.
Dans le privé, j’ai découvert une logique plus ouverte. J’ai dû tout réapprendre : le droit du travail, la gestion contractuelle, les outils RH. Mais les marges de manœuvre sont aussi plus grandes, l’autonomie y est plus forte, et les projets avancent plus vite.
En parallèle, il y a la réalité du terrain : j’ai vu ce que c’est que de gérer des recrutements urgents et arrêts maladie, tout en tenant un planning de formation. Ce sont des enjeux très concrets, très quotidiens.
Changer de secteur m’a ainsi permis d’observer deux cultures de travail. De même, j’ai pu me rendre compte de l’adaptabilité nécessaire aux métiers de la fonction RH. Et surtout à quel point les repères changent, y compris lorsque l’on pense connaître le métier.
Que diriez-vous à celles et ceux qui hésitent à reprendre leurs études ?
Je crois qu’on sous-estime le pouvoir que peut avoir une reprise d’études à un moment donné de sa vie. Ce n’est pas juste un diplôme. C’est une façon de reprendre le fil, de consolider un chemin déjà entamé.
Dans mon cas, plusieurs années d’expérience aux côtés d’une DRH m’ont permis d’aborder le dialogue social, les instances, la médiation. Mais au fond, comme je le disais, je savais aussi que je n’avais pas l’expertise complète et, qu’en fin de compte, mes compétences étaient difficilement transposables à un autre contexte ou secteur. Et pour cause : il me manquait la hauteur de vue, la maîtrise des fondamentaux RH.
Il y avait aussi un motif plus personnel : reprendre mes études, c’était aussi refermer une boucle. Me dire que je pouvais encore faire les choses dans le bon ordre, à mon rythme.
Je ne vais pas mentir : c’est une démarche exigeante. Je suis maman de deux jeunes enfants, mon conjoint est à son compte. J’ai quinze ans d’écart avec la plupart des autres étudiants et le centre de formation est à 1 heure de route de mon domicile. Il faut donc être en mesure de s’investir, s’organiser, s’adapter, rester solide. Mais ça vaut largement l’effort.
C’est d’autant plus vrai que nous sommes dans un pays où la formation tout au long de la vie relève vraiment du champ des possibles. Ceci notamment grâce au conseil en évolution professionnelle. Alors si l’on ressent ce besoin, il ne faut pas hésiter, ne pas se laisser freiner par des barrières qu’on se pose à nous-mêmes.
À titre personnel, je me dis d’ailleurs que je le referai encore. Parce que j’ai besoin d’apprendre pour rester en mouvement, et parce que dans les RH, la théorie seule ne suffit pas. Mais l’expérience seule non plus.