L’étude Eurostat sur les forces de travail le montre depuis plusieurs années. Dans l’Union européenne, seuls les salariés finlandais travaillent moins que leurs homologues français, du moins pour ceux à temps complet. Si l’on prend en compte les temps partiels et les travailleurs non-salariés, la durée moyenne hebdomadaire en France gagne quelques places au classement. Mais faire une moyenne a-t-il réellement du sens ?
Temps de travail hebdomadaire des salariés français
En 2022, la durée annuelle effective de travail pour les salariés à temps complet en France reste plus basse que celles estimées pour les autres pays européens.
C’est ce qu’indique Rexecode d’après ses calculs sur les données de l’enquête Forces de Travail d’Eurostat.
Temps complet et travail effectif : avant-derniers en Europe !
Deux notions sont très importantes dans cette analyse de Rexecode. Celle-ci porte ici sur des salariés à temps complet et sur la notion de durée de travail effectif, à ne pas confondre avec durée de travail habituelle. Cette dernière désigne en effet le nombre d’heures faites sur une semaine sans événement particulier et sans absence.
Si l’on retient la durée de travail effectif, c’est-à-dire les heures réellement affectées à la production au sens large, on arrive à 1668 heures annuelles en moyenne en France pour une personne à temps complet.
Sur cette base, l’écart avec un salarié italien à temps complet est de 162 heures par an, de 122 avec un Allemand et de 65 heures avec un Espagnol. Seul le salarié finlandais fait moins d’heures sur l’année (-28).
Assez peu de salariés à temps partiel, et ils font plus d’heures !
L’analyse des durées de travail pour les salariés à temps partiel change un peu la donne. Ainsi, il faut rappeler que la proportion de salariés à temps complet en France reste relativement stable sur une longue période aux alentours de 82 %. Elle est également plus élevée que dans la majeure partie des autres pays européens. Ce qui signifie en creux qu’il y a moins de temps partiels en France que dans les économies comparables, Espagne exceptée.
Sur ce point, Rexecode indique que les raisons sont difficiles à identifier. Choix individuels ? Difficultés à trouver un temps plein ? Rigidités du marché du travail ?
Par ailleurs, les salariés à temps partiel en France ont tendance à faire plus d’heures que leurs homologues européens. Ainsi, la durée effective moyenne de travail d’un salarié à temps partiel en France est de 971 heures par an quand elle est de 952 heures en moyenne dans l’Union européenne.
Les travailleurs non-salariés font remonter la moyenne
L’enquête Eurostat fait ressortir que la durée effective moyenne pour les travailleurs non-salariés TP est l’une des plus élevées d’Europe (6e place dans l’UE) avec un total de 2239 heures par an. À comparer à 2141 heures en Espagne et en Allemagne, ou 2211 heures en Italie.
De ce fait, l’écart annuel en France entre travailleurs salariés et travailleurs non-salariés à temps complet est très élevé : 34 % alors qu’il n’est que de 21 % en Allemagne ou 21 % en Italie.
Une moyenne trompeuse
En faisant la moyenne des travailleurs salariés à temps complet, de ceux à temps partiel et des travailleurs non-salariés, la France regagne quelques places au classement de la durée effective moyenne de travail toutes catégories confondues.
Mais cette moyenne est discutable. D’ailleurs, Rexecode prend le soin de préciser que la durée effective moyenne des salariés à temps complet est le seul indicateur qui soit pertinent pour les comparaisons internationales macroéconomiques.
On peut penser qu’un industriel américain, japonais ou australien qui cherche à créer une unité de production en Europe s’intéressera en effet beaucoup plus à cet indicateur qu’à la durée de travail des non-salariés qui va le concerner à la marge seulement.
Malheureusement, cette comparaison n’est pas favorable à la France. Car elle entretient cette perception d’un pays où l’on travaille peu.
Si cette situation était contrebalancée par une productivité horaire en hausse, elle ne serait pas forcément inquiétante. De ce point de vue, la France occupait une 6e place en Europe en 2022 d’après l’OCDE. Mais d’après la Banque de France, la productivité du travail en France aurait reculé de 8,5 % par rapport à sa tendance pré-COVID (2019), différentes causes concourant à ce constat plus marqué dans l’hexagone que dans le reste de la zone euro.
Il est aussi assez évident que la durée effective annuelle de travail des salariés français à temps complet est une des causes — pas forcément la seule — aux très fortes tensions observées sur le marché du travail dans certains secteurs.
Car le constat est simple : avec des salariés à temps complet travaillant moins que la moyenne européenne à productivité quasi équivalente, il en faut plus pour effectuer la même charge de travail que chez nos voisins ! Or, on se heurte déjà à des limites démographiques qui ne vont que s’accentuer dans les années à venir.
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