Pour décrocher un entretien, et mieux encore, un poste, il faut savoir « se vendre ». Plusieurs candidats ont pris l’expression au pied de la lettre. Certains vendent leurs compétences sur eBay, d’autres sur Viadeo[1].
Raphaëlle, en décembre 2008, a mis son cerveau dans la vitrine de son propre site e-commerce avec mode d’emploi, caractéristiques techniques, avis des utilisateurs et bon de commande. « Offert : un emballage taille humaine ». Deux ans plus tard, le SAV n’enregistre aucune réclamation des acquéreurs.
Le guide de démarrage
« Facile à installer, mon cerveau se pose sur un bureau. Sans branchement compliqué, il est immédiatement opérationnel. » C’est sur cette métaphore digne d’une plaquette commerciale que s’ouvre le site www.buymybrain.net, le CV déguisé de Raphaëlle – elle préfère taire son nom de famille –, chargé de communication, conceptrice, rédactrice, bloggeuse et « globe trotteuse ». Une longue liste non exhaustive, mais insuffisante, dixit l’humble cerveau de l’opération BMB, pour remplir les cases d’un CV classique. Lorsqu’elle met son site en ligne, elle a 25 ans « et pas d’expérience parlante à des grandes agences de com’ ». Elle décide donc, « plutôt que de s’embêter à faire un CV », de mettre en action ses savoir-faire et les résultats de ses « crash tests créatifs » (comprendre : ses stages).
Comme un concours de circonstances, le site naît en 2008 à l’époque de Noël, « ce qui explique le Père Noël » en page d’accueil et « les couleurs coca-cola », tandis que la « mode des choses décalées existe déjà depuis 3, 4 ans » et que Raphaëlle se découvre une envie d’évolution. « Je travaillais pour une petite agence et j’avais envie d’aller vers une plus grande entreprise. »
Une fois la mise en ligne opérée, « j’ai envoyé des cartes électroniques à plusieurs adresses mails glanées par-ci, par-là » avec le message suivant : « Pour Noël, offrez-vous mon cerveau ». Certains envoient des carambars dans leur enveloppe de candidature, elle envoie des cartes de vœux.
Après publication, elle intègre buymybrain.net dans sa signature électronique et continue de postuler à différentes offres. Sa démarche lui permet de mieux cibler ses potentiels employeurs. « Lorsque l’offre était institutionnelle, je me disais : ça ne va pas passer ». De ce constat à sa prise de conscience, il n’y eut qu’un pas. « En fait, je me suis rendue compte que je n’avais pas envie de bosser dans un cadre institutionnel », poursuit Raphaëlle.
Derrière les jeux de mots, il y a un profil vivace et des plus sérieux, à l’esprit pratique. Sur le site, l’acheteur potentiel est invité à télécharger « la notice technique du cerveau », c’est-à-dire son CV, en pdf.
Le SAV
L’offre alléchante ne tarde pas à séduire. « J’ai rencontré une dizaine de personnes ». Pour la majorité, il s’agissait de propositions en tant « qu’indé »[2]. Stimulés par ces premiers retours, elle découvre le réseau de blogs Régions Job et « se prend au jeu » [3].
« Sur Internet, il y a toujours la notion de buzz… un mot un peu pompeux », analyse la génératrice de ramdam[4] « maîtrisé ». Alors que de telles démarches, inspirées par la seule existence d’Internet, « fonctionnent sur le long terme ». « Tout s’est fait très vite mais je n’avais pas décroché de poste en janvier ! », plaisante-t-elle. L’initiative BMB « m’a permis d’élargir mon réseau, de me faire des contacts que j’ai pu rappeler par la suite ».
« Je n’ai jamais cherché à faire le buzz » mais le buzz s’est tourné vers elle. BuyMyBrain se hisse dans le TOP 10 des meilleurs blogs emploi de Wikio. Raphaëlle gagne plusieurs web-concours, dont ceux de Régions Job et de Keljob, qui lui font remporter un ordinateur, un GPS ou encore un Ipod… mais surtout un carnet d’adresses fourni et un poste. Elle travaille aujourd’hui à Lyon dans une agence, dont elle tait volontairement le nom.
Pourquoi tous ses secrets ? « Pour garder le contrôle », répond-elle. Sur Internet, les initiatives échappent vite à leurs auteurs. On pense à Mathieu Vaidis ou encore Isabelle Moreau. Preuves vivantes qu’« Internet est un outil génial mais peut vite se retourner contre nous », confirme la chargé de communication. « Je veux garder ma liberté d’expression et ne pas être googuelisée ». Le blog permet de faire découvrir son profil autrement, et les écrits n’y sont pas toujours très professionnels. « On a vite fait de s’allonger » sur le divan d’Internet. Mais tenir un blog permet aussi de prouver « sa motivation et sa régularité », de montrer « que l’on fait de la veille sur son secteur ».
Typhanie BOUJU
[1] Voir « l’offre exceptionnelle » d’Anthony Begrand et « les compétences à vendre cherchent acheteur » d’Isabelle Nicoll sur Viadeo.
[2] « Dans la com’, l’amputation du prénom [et autres noms plus communs] est obligatoire ». Source : le blog de BMB.
[4] Selon la traduction officielle du Secrétaire d’Etat à la coopération et à la francophonie !