Depuis 2017, le comité social et économique (CSE) est l’unique instance représentative du personnel dans les entreprises. Ses membres sont élus tous les 4 ans lors d’élections professionnelles (un accord collectif peut toutefois prévoir une durée de mandat de 2 à 4 ans).
L’enjeu de ces élections est important et va au-delà de la simple mise en place du CSE. De leurs résultats dépend en effet la représentativité des syndicats au niveau de l’entreprise mais également au niveau national.
Mais quel employeur n’a jamais eu quelques sueurs froides à la perspective d’organiser ces élections ?
Elles sont en effet souvent vécues comme une procédure complexe et chronophage et suscitent de nombreuses interrogations. Quand les organiser ? Comment négocier le protocole préélectoral? Qui est électeur et éligible ? Comment calculer les résultats ? etc.
Pour y voir plus clair, voici les informations essentielles à connaître pour organiser vos élections professionnelles.
Quand faut-il organiser les élections professionnelles ?
Cas général des élections professionnelles
Les élections professionnelles sont organisées à l’initiative de l’employeur dès que le seuil d’effectif est atteint ou s’il s’agit de renouveler l’instance.
Pour mémoire, le CSE doit être mis en place dans l’entreprise dès qu’elle emploie au moins 11 salariés (pendant 12 mois consécutifs).
Un salarié ou un syndicat peut également demander l’organisation d’élection (art. L2314-8). Dans ce cas, l’employeur a 1 mois pour inviter les syndicats à négocier le protocole d’accord préélectoral. À défaut, il commet un délit d’entrave.
Élections partielles
L’employeur doit organiser des élections partielles si un collège électoral n’est plus représenté ou si le nombre d’élus titulaires du CSE est réduit de moitié ou plus (art.L2314-10).
Elles ne sont toutefois pas nécessaires si le mandat des élus prend fin dans moins de 6 mois. Dans ce cas, l’employeur peut attendre et organiser les élections complètes à la date prévue.
Les élections partielles sont organisées selon les modalités définies par le protocole d’accord préélectoral des élections précédentes. Il n’est donc pas nécessaire d’inviter les syndicats à négocier.
En revanche, les conditions d’électorat et d’éligibilité (que nous détaillons plus loin) doivent être remplies à la date du scrutin.
Formalités préalables
Information obligatoire du personnel et des syndicats
L’employeur doit informer les salariés de l’organisation des élections « par tout moyen permettant de conférer date certaine à cette information » (art.L2314-4) : courrier, mail, affichage, etc.
Ce document doit mentionner la date envisagée du 1er tour, qui doit impérativement avoir lieu avant le 90e jour suivant la diffusion de cette information.
Il invite également les syndicats à négocier le protocole d’accord préélectoral :
- Par courrier pour les syndicats représentatifs dans l’entreprise ou l’établissement, les syndicats ayant constitué une section syndicale ou affiliés à un syndicat représentatif au niveau national et interprofessionnel ;
- Par tout autre moyen pour les autres syndicats.
En cas de renouvellement du CSE, cette invitation doit être faite au moins 2 mois avant l’expiration du mandat en cours (art.L2314-5).
Bon à savoir. Dans les entreprises de 11 à 20 salariés, l’invitation des syndicats n’est requise que si au moins 1 salarié s’est porté candidat dans un délai de 30 jours à compter de l’information du personnel.
Négociation du protocole d’accord préélectoral
De quoi s’agit-il ?
Le protocole d’accord préélectoral fixe les modalités des élections. C’est le mode d’emploi de vos élections.
Il est librement négocié entre l’employeur et les syndicats et porte notamment sur les éléments suivants :
- Modalités et organisation des élections : dates, lieux, horaires, composition du bureau de vote, couleur des enveloppes et des bulletins, vote électronique ou en présentiel, etc ;
- Nombre et composition des collèges électoraux. Par défaut, les salariés sont répartis en 2 collèges : ouvriers/employés et ingénieurs/chef de services/techniciens/agents de maîtrise. Un 3eme collège est constitué pour les ingénieurs et cadres si leur effectif est supérieur à 25 ;
- Répartition du personnel et des sièges dans ces collèges ;
- Organisation du scrutin par correspondance pour les salariés absents.
Validité de l’accord
Pour que le protocole soit valable, une double condition de majorité est requise :
- Signature par la majorité des syndicats ayant participé à sa négociation ;
- Dont des syndicats représentatifs ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles. Si aucun syndicat représentatif n’est présent dans l’entreprise, la première condition est suffisante.
Certaines mentions nécessitent néanmoins un accord unanime : modification du nombre et de la composition des collèges électoraux et organisation du scrutin en dehors du temps de travail.
Le protocole est valable uniquement pour l’élection concernée et doit être renégocié à chaque renouvellement de l’instance (sauf pour les élections partielles, comme vu précédemment).
Bon à savoir. Il est tout à fait possible de négocier le protocole avec un seul syndicat dans la mesure où l’employeur a bien invité les autres syndicats à négocier.
Qui est électeur ?
Salariés de l’entreprise
En principe, tous les travailleurs salariés de l’entreprise, par conséquent titulaires d’un contrat de travail, peuvent voter aux élections. Peu importe que ce contrat de travail soit effectif ou non. Ainsi, un salarié en suspension de contrat ou en préavis non effectué, reste électeur.
Quelques exceptions :
- Les salariés assimilés à l’employeur ne sont pas électeurs
Il s’agit notamment des collaborateurs représentant directement l’entreprise. Par exemple : chef d’entreprise, salarié titulaire d’une délégation écrite l’assimilant à l’employeur, salarié représentant l’entreprise devant le CSE ou pour les négociations avec les syndicats.
- Certains travailleurs non-salariés peuvent être électeurs
C’est le cas des salariés mis à disposition. Ils peuvent être électeurs dans leur entreprise d’accueil s’ils sont présents depuis au moins 12 mois continus. Attention, ils doivent toutefois choisir dans quelle entreprise ils souhaitent voter : entreprise contractuelle ou utilisatrice (art.L2314-23).
Conditions à remplir
Pour voter, les salariés doivent remplir les conditions suivantes à la date du 1er tour du scrutin (art. L2314-18) :
- Être âgé d’au moins 16 ans révolus ;
- Travailler dans l’entreprise depuis au moins 3 mois ;
- Ne pas faire l’objet d’interdiction, déchéance ou incapacité de ses droits civiques.
Un accord collectif peut adapter ces conditions de manière plus favorable pour le salarié. Toutefois, il ne peut pas permettre à une personne non salariée de l’entreprise de voter.
Établissement des listes électorales par l’employeur
L’employeur établit les listes électorales conformément à ces différentes règles. Elles doivent être impérativement affichées dans l’entreprise au moins 4 jours avant les élections.
Elles mentionnent le nom des salariés électeurs, leur appartenance à l’entreprise, l’âge, l’ancienneté. Aucune autre mention ne peut être exigée par les syndicats et certaines sont même interdites, comme l’indication du coefficient hiérarchique.
Comment déterminer les salariés éligibles ?
Les salariés ne sont éligibles que dans leur collège d’appartenance. En outre, ils doivent respecter les conditions cumulatives suivantes :
- Être électeurs ;
- Avoir 18 ans révolus ;
- Travailler dans l’entreprise depuis au moins 1 an. Il s ‘agit ici d’une appartenance contractuelle à l’entreprise et non d’un travail effectif. Les salariés en suspension de contrat, par exemple, sont donc éligibles ;
- Ne pas être conjoint, concubin, partenaire de pacs, ascendant, descendant, frère, sœur ou allié de l’employeur (art.L2314-19).
Ces différentes conditions s’apprécient à la date de chaque scrutin. Il est donc possible qu’un salarié ne soit pas éligible au 1er tour mais le soit au 2eme tour (par exemple s’il fête ses 18 ans entre les deux tours).
Elles peuvent être modifiées de manière plus favorable par accord collectif.
Déroulement des élections professionnelles
Les élections des membres du CSE se déroulent sous le format d’un scrutin de liste à deux tours, avec représentation proportionnelle à la plus forte moyenne.
Modalités pratiques des élections professionnelles
Les modalités du vote sont prévues dans le protocole préélectoral : date, heure, lieux…
Attention à bien en informer vos salariés (par exemple par affichage) sous peine de voir vos élections annulées.
L’élection peut être organisée en présentiel (scrutin secret sous enveloppe), par vote électronique ou par correspondance. Par contre, le vote par procuration est impossible.
Les opérations sont menées et contrôlées par le bureau de vote (en général un par collège). Il est composé d’un président, un secrétaire et un (ou plusieurs) assesseur. Ces membres sont la plupart du temps prévus par le protocole préélectoral ou désignés d’un commun accord entre l’employeur et les syndicats. Sinon, le bureau de vote est constitué par les deux salariés les plus âgés de la liste électorale et le plus jeune.
1er tour de scrutin
Ce premier tour doit être organisé dans les 15 jours précédant l’expiration du mandat en cours :
- Seuls les salariés présentés par les syndicats peuvent se porter candidats au premier tour ;
- Il n’est valable que si le quorum est atteint : le nombre de suffrages valablement exprimés doit être au moins égal à la moitié des électeurs inscrits.
2nd tour
Un second tour est organisé dans les 15 jours suivant la date du premier tour, dans les cas suivants :
- Absence de quorum ;
- Absence totale ou partielle de candidatures ;
- Sièges restant à pourvoir au terme du 1er tour.
Contrairement au premier tour, le quorum n’est pas exigé et les candidatures sont libres.
Procès-verbal de carence
L’employeur établit un PV de carence si aucun membre du CSE n’a été élu. C’est le cas notamment en cas de défaut de quorum au 1er tour et d’absence de candidature au 2ème tour.
Ce PV de carence est transmis dans les 15 jours à l’inspecteur du travail ainsi que pour information aux salariés (art.L2314-9). Il faut également le transmettre au centre de traitement des élections professionnelles (CTEP) par courrier ou directement sur la plateforme dédiée.
À noter que ce site permet également de simplifier les démarches en vous proposant une aide à la saisie pour vos PV.
Résultats des élections professionnelles
Comment déterminer qui est élu ?
Le dépouillement est assuré par le bureau de vote selon la procédure suivante.
1ere étape : attribution des sièges aux différentes listes
Dans un premier temps, il est nécessaire de calculer le quotient électoral (QE) = nombre total de suffrages valablement exprimés pour le collège / nombre de sièges à pourvoir.
Chaque liste reçoit alors autant de sièges que son nombre de voix recueillies contient de fois le QE (R. 2314-19).
Les sièges restants sont attribués sur la base de la plus forte moyenne. Il faut alors diviser le nombre de voix obtenues par chaque liste par le nombre des sièges (augmenté d’une unité) déjà attribués à la liste. Le siège est alors attribué à la liste ayant la plus forte moyenne. Cette opération est renouvelée pour les sièges restants suivants.
Bon à savoir. La plateforme elections.professionnelles.gouv.fr permet de calculer automatiquement votre quotient électoral puis l’attribution des sièges.
2ème étape : désignation des élus des élections professionnelles dans chaque liste
En principe, les élus sont désignés selon l’ordre de présentation de la liste. Si la liste obtient 3 sièges, les 3 premiers candidats de la liste sont donc élus.
Toutefois, rappelons que les électeurs ont la possibilité de rayer le nom d’un candidat sur le bulletin. Ces ratures ne sont pas prises en compte si leur nombre est inférieur à 10% des suffrages exprimés en faveur de la liste concernée. Les élus sont alors désignés normalement selon l’ordre fixé par la liste.
Par contre, pour un nombre de ratures égal ou supérieur à 10%, la désignation des élus se fait selon le nombre de voix obtenus par chaque candidat (art.L2314-29).
Proclamation des résultats et procès-verbaux
Le bureau de vote proclame les résultats en indiquant le nom des élus et le nombre de voix obtenus. Son secrétaire (ou un autre membre du bureau) établit les procès-verbaux dès la fin du dépouillement.
Ils doivent être signés par tous les membres du bureau de vote qui y annexent également les bulletins blancs ou nuls.
L’employeur se charge ensuite de les transmettre dans les 15 jours à l’inspecteur du travail et au centre de traitement des élections professionnelles (art.R.2314-22). Il en envoie aussi une copie aux syndicats ayant participé à la négociation du protocole préélectoral ainsi qu’à ceux ayant présenté des candidats.
Comme pour le PV de carence, l’utilisation de la plateforme dédiée permet de simplifier la saisie des PV, de limiter les erreurs et de les transmettre automatiquement au CTEP. Toutefois, vous restez libre de remplir directement les formulaires cerfa et de les envoyer par courrier.
Céline Le Friant