La clé du succès de l’entreprise du XXIème siècle serait-elle la capacité du dirigeant à parler vrai, à un incarner son discours et à mettre tout en œuvre pour que ce dernier devienne une réalité et ce, avec l’aide des différentes parties prenantes de l’entreprise ? C’est l’approche nouvelle proposée par Paule Boffa-Comby au sein de son ouvrage « Walk the Talk – Une autre façon d’être dirigeant » (2011) qui met en lumière des solutions concrètes pour faire vivre l’entreprise en favorisant l’engagement, la responsabilisation et l’intelligence collective. Un regard nouveau sur l’organisation et ses dirigeants, parmi lesquels figurent en bonne place les DRH dont le rôle consiste avant tout, à dépasser les idées reçues pour mieux agir et faire bouger les lignes vers l’entreprise de demain.
Votre livre repose sur quel constat ?
Il existe aujourd’hui une véritable crise de confiance qui biaise le regard porté tant sur les dirigeants que sur leurs entreprises. Selon de récentes études, plus de 60 % des projets de transformation ou de conduite du changement échouent dans les organisations. Et il n’y a pas de hasard, à l’heure où les collaborateurs sont soumis à des impératifs croissants en matière de performance dans un monde mouvant où bien souvent il existe, une véritable perte de repères collectifs. Dans ce contexte, l’exemplarité du dirigeant s’impose comme une nécessité. Car de sa capacité à insuffler une cohérence entre ses dires et ses actes dépend la performance, tant économique, qu’humaine et environnementale de l’entreprise.
Vous soutenez donc que performance économique, respect humain et protection de l’environnement se stimulent plus qu’ils ne s’opposent ?
Le « Walk the Talk » permet un retour à la source de l'efficacité de l’entreprise et du dirigeant lui-même. C’est concept ancré dans la cohérence des actes, des dires, et des objectifs. C’est l’idée de « Je dois faire pour pouvoir dire et dire pour pouvoir faire ». C’est aussi une manière de répondre au mal être et à la perte de sens qui habitent l’entreprise.
Pourtant, au cours des dernières années, les entreprises n’ont eu de cesse d’afficher leurs valeurs ?
A un tel point que cela a eu un effet presque contre-productif. D’où la nécessité d’avoir des dirigeants qui portent les valeurs de l’entreprise via leurs comportements. Car s’il n’y a pas de cohérence entre ce qui est dit et ce qui est fait, les individus ne savent plus où ils vont. Les collaborateurs nourrissent l’entreprise comme elle les nourrit. Ce lien de confiance se perd très vite et se gagne malheureusement très lentement.
Sur quels fondements repose cette exemplarité ?
Sur la capacité du leader à exprimer une vision mais aussi à l’incarner, c’est à dire la traduire en actions et via ses comportements. Daniel Bernard, président de Provestis et ex-président-directeur général de Carrefour, le dit très bien : « L’essentiel n’est pas tant ce que vous dites. Les gens n’écoutent pas tellement ce que vous dites, ils regardent dans vos yeux ; et s’ils comprennent que vous savez ce que vous dites, que vous êtes sûr de ce que vous faites, alors ils vous suivent, où que vous alliez, quoi que vous demandiez. Il faut vraiment une connexion, une connivence très forte entre les dirigeants et les équipes. Ce qui va bien au-delà des techniques de management ». Qui dit exemplarité, dit donc engagement, courage, sens de la responsabilité, humilité, honnêteté et capacité à se remettre en question, à apprendre et à se réinventer en permanence.
Les RH ont un rôle clé à jouer ?
Ils sont les acteurs du management et ont, par conséquent, le devoir de trouver le moyen d’accompagner leurs collaborateurs à devenir des acteurs responsables. Il faut remettre l’homme au centre de l’éco-système de l’entreprise et de son succès, quitte à redéfinir la notion de succès en évaluant par exemple les managers sur leur capacité à développer leurs équipes et à responsabiliser leurs collaborateurs comme l’explique Clara Gaymard, présidente et Chief Executive Officer (CEO) de GE France, « Je crois vraiment en la force de la responsabilisation des individus. Les collaborateurs, lorsqu’ils savent qu’ils sont considérés comme responsables, le sont encore plus. Il n’y a pas besoin d’interdiction (…). Il est très important que les dirigeants gardent présent à l’esprit que ce n’est pas parce que vous êtes le patron que vous avez raison. Vous libérez alors la capacité d’inventer ».
Ce livre est donc une invitation pour les dirigeants à oser se transformer et se réinventer ?
C’est aussi un plaidoyer en faveur de l’entreprise et de la valeur travail qui permettent à chaque individu de se construire et de s’épanouir au travers d’un engagement collectif. L’entreprise peut se concevoir comme un formidable lieu de partage et d’aventure humaine, à condition qu’elle soit dirigée par des femmes et des hommes porteurs de sens et de valeurs, visant l’exemplarité et l’action plus que le pouvoir. Autrement dit, des dirigeants soucieux de contribuer à quelque chose qui sert la collectivité. « On est dirigeant à 100 % ou on ne l’est pas », déclare Stéphane Richard, PDG de France Telecom Orange.
Diriez-vous que c’est l’un des grands défis des DRH en 2012 : « être dirigeant à 100 % » ?
Il faut réinsuffler le collectif au sein de l’entreprise et cela passe aussi par les RH qui doivent recréer cet agir ensemble pour que chacun ait envie de contribuer à faire grandir l’entreprise et plus globalement la société. Cela passe par la mise en place d’un cadre qui permette à chaque collaborateur d’être en position d’innover. Car les entreprises qui mettent en œuvre des process destinés à favoriser le développement des femmes et les hommes sont tout simplement plus performantes…
Emilie Vidaud
A propos de l’auteur
Créatrice et dirigeante de PEMA-Partenaire, Paule Boffa-Comby accompagne les progrès du management tant par son action auprès des dirigeants et des grandes entreprises françaises et internationales que par ses écrits. Elle est l’auteur de « Promouvoir les talents » (2007) et de nombreux articles. Elle intervient à l’ESSEC et à l’EM- Lyon Business School. Elle est membre du Comité « Management du XXIe siècle » du MEDEF.