Le monde de la formation est possédé par un nouveau démon, le démon du jeu. Une addiction forte, toute formation doit être ludique… Se former ne doit plus être un travail, au sens étymologique, fini la torture d’apprendre. L’apprentissage doit être un plaisir, une douceur de la vie. Emmanuel Kant se retournerait dans sa tombe que de voir, cette évolution ; même Jacques Lacan et la psychanalyse avait fait vœux de souffrance, se former c’est pénible, car c’est pénible de s’arracher à sa nature. La formation est d’abord une souffrance pour se trans-former… les temps changent.
Et ceux d’autant que le jeu est rigoureux. Le jeu a ses règles. Personne n’imaginerait un joueur de rami proposer ses deux dernières cartes en disant « belotte et rebelote ». Ce qu’il y a de fascinant dans le jeu, c’est que les règles sont acceptées, digérées volontairement, pour ensuite développer une culture de la compétition ou de la collaboration dans l’espace qui a été prédéfinit à cet effet. Effectivement, l’entreprise a quelque chose à apprendre du jeu… des collaborateurs qui jouent le jeu avec le sourire voire une addiction à venir travailler, attendant le lundi avec une impatience non dissimulée… il y a de quoi rêver. Imaginez, le stress du travail, serait le vendredi, stressé de devoir quitter l’entreprise, deux jours entiers…
Le jeu a donc quelque chose de magique. D’ailleurs, il est à noter que, de tout temps, le jeu a eu quelque chose de magique : à l’origine, par exemple, le cerf-volant, était un outil pour se rapprocher des cieux, des dieux… Et la formation a depuis longtemps compris l’intérêt qu’elle pouvait tirer de cet avantage. Ainsi par exemple, le jeu de l’oie à l’origine servait à savoir comment on pouvait être un bon roi, au même titre qu’à l’époque il existait des jeux pour reconnaître les blasons et ainsi identifier les familles régnantes… apprendre les règles, c’est accepter l’ordre établi, jouer pour accepter. D’ailleurs, les choses ont peu changé, nombre d’organismes de formation propose le même jeu de l’oie pour faire passer un argumentaire commercial, c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes. Et ça marche.
Il existe autant de jeux que la créative humaine permet de l’imaginer. Qu’est-ce qu’il y a de nouveau ? Le jeu change avec l’entreprise. Traditionnellement, les jeux étaient Top down, conçus par les créateurs, l’ingénierie pédagogique écrit les scénarios du jeu, elle guide l’apprenant dans les dédales de la connaissance. Aujourd’hui, c’est la chose la plus répandue mais demain… le jeu sera Bottom up, au même rythme que l’entreprise l’acceptera. Le jeu n’est que le reflet de la culture dominante de l’entreprise. Mais si on regarde les jeux qui marchent le plus aujourd’hui, ce sont des jeux ouverts, les jeux en réseaux, s’enrichir du social learning, le pair à pair. Et plus encore, laisser les apprenants construire leur propre parcours, les dernières générations de driving games proposent de construire soi-même son circuit de pilotage et de le mettre en ligne,… l’apprenant fait partie du spectacle et mieux, il fait lui-même son spectacle, acteur spectateur ou spectateur acteur…
Vitesse, univers graphique, architecture,… le jeu n’est au fond que le retour de la pédagogie. La pédagogie reprend ses droit et se remet en société, elle devient séductrice, persuader sans convaincre disait Jean-Jacques Rousseau. La formation joue avec les désirs pour atteindre son efficacité, désirer le jeu… une addiction à la formation… addiction à la transformation, un monde rêvé.