La crise sanitaire du Covid-19 pèse lourdement sur l’emploi : 9 millions de salariés sont déjà au chômage partiel. Au-delà de ses effets dévastateurs sur la population active, cette situation inédite fait émerger des prises de conscience individuelles qui grandissent à la faveur du confinement. Nul doute que les projets d’évolution professionnelle tiendront une place majeure parmi les mutations attendues.
Le temps, clé d’une reconversion réussie
Depuis le 17 mars, premier jour de confinement décrété par le Gouvernement, la France est à son tour entrée dans une phase d’activité ralentie. Ce confinement introduit une rupture dans notre temps social et individuel. Si ce temps suspendu, entre télétravail – lorsque cela est possible – et garde d’enfants à domicile, peut amener certains à être dans l’attente et sans projection, il fait naître aussi chez de nombreux actifs une tendance réflexive quant à leur situation professionnelle.
Cet espace-temps inédit révèle un nouveau champ des possibles, celui que les Grecs appelaient le Kairos ou l’art de saisir l’instant propice. Ce confinement appelle un recentrage tacite mais bel et bien vécu : contraint de rester chez soi, chacun interroge son rapport au monde, s’observe en surplomb – et cherche parfois à se réinventer. Ce temps long favorise les questionnements intérieurs qu’il est souvent utile d’accompagner.
Dans ce contexte, les salariés et indépendants sont de plus en plus nombreux à faire appel au « Conseil en Évolution Professionnelle ». L’augmentation du nombre d’appels entrants sur la ligne directe de ce service public est révélatrice de cette introspection commune. Les envies de changement, de création ou de reconversion sont motivées par une constante : trouver du sens à son travail et au travail. En 2019 déjà, selon une étude de Nouvelle Vie Professionnelle, 93% des actifs avaient songé à se lancer dans une reconversion et 38 % d’entre eux avaient franchi le cap. Il y a fort à parier que les années 2020-2021 connaîtront un pic de projets d’évolution professionnelle.
Parmi les tendances attendues à l’issue du confinement, les métiers du « care » devraient bénéficier d’un nouvel attrait, porté par leur utilité sociale – tout comme le secteur de l’industrie, grâce à la mobilisation solidaire de nombreuses PME et TPE.
Charge aux professionnels RH de se montrer toujours plus à l’écoute de leurs collaborateurs, d’accueillir et d’accompagner leurs nouvelles aspirations professionnelles. Charge à nous, professionnels de l’emploi, de la formation et du conseil, de nous transformer en impresario de carrière, en accompagnant les uns à mûrir leur projet et à le mettre en place, en permettant aux autres d’identifier les opportunités à saisir pour mener à bien leur trajectoire professionnelle.
En cette période d’incertitude, il s’agira bien de permettre aux actifs de mieux appréhender l’environnement dans lequel ils évoluent, d’être outillés dans la conduite de leur parcours professionnel, et les aider à prendre des décisions éclairées. Selon l’OCDE, 32% des métiers risquent d’être radicalement transformés du fait du progrès technologique : à nous, plus que jamais, de sécuriser les transitions professionnelles.
Par Gérald MAURY
Responsable de la mission de service public « Conseil en Évolution Professionnelle des actifs occupés » en Nouvelle-Aquitaine