Les ordinateurs finiront par prendre le travail des recruteurs ? C’est en tout cas ce que tend à faire croire une nouvelle étude du Bureau National de la Recherche Economique des USA. D'après cette enquête, les travailleurs choisis par un algorithme d'ordinateur sont restés en poste 15% plus longtemps que ceux choisis par les recruteurs et les managers d'un service RH.
Il est vrai que les membres de professions pourtant bien établies depuis fort longtemps ont vu la technologie bouleverser la façon dont ils travaillaient – par exemple, beaucoup de publications financières sortent parfois des reportages de dernière minute écrits par des machines plutôt que par des journalistes. Mais il peut s'avérer intéressant d'étudier de plus près les résultats de cette étude pour évaluer l'impact des technologies sur les RH.
Avant tout, il est important de remarquer que cette étude s'est concentrée sur les postes ayant un fort taux de turnover, ceux dans lesquels les salariés restent en moyenne seulement 99 jours. Pour ces emplois, cela peut avoir un sens de limiter l'implication des RH dans le processus de prise de décision – mais pour la majorité des postes dans le monde du travail moderne, cela a-t-il un sens de confier à des ordinateurs et à des algorithmes la responsabilité complète du recrutement ?
La technologie a certainement un rôle important à jouer, mais de là à suggérer qu'elle puisse remplacer l'élément humain du processus de recrutement, il y a un pas . En effet, une stratégie RH efficace ne considère pas les futurs salariés comme des automates : ils doivent pouvoir s'intégrer dans de bonnes conditions au sein de l'équipe existante, être impliqués, motivés et coopératifs.
Si les systèmes automatisés peuvent certainement fournir des analyses, ils ne sont en aucun cas les seules sources d'information dans ce domaine. Les responsables des RH doivent prendre en compte de multiples sources, qu'il s'agisse des CV, des réseaux sociaux, de l'analyse des compétences et des entretiens individuels. Certaines de ces "données" sont exploitables par des machines : par exemple, la présentation des candidats, la façon de répondre aux questions ou comment leurs compétences peuvent correspondre au poste à pourvoir.
Par ailleurs, la technologie peut représenter une aide précieuse dans certains domaines, en effectuant plus efficacement certains éléments du processus et en faisant gagner beaucoup de temps aux recruteurs. C'est par exemple le cas pour la recherche et la présélection des candidats. Avec les volumes de candidatures que l'on connaît et la diversité toujours plus grande des compétences recherchées par le marché moderne du travail, l'analyse des talents disponibles prend énormément de temps et s'avère nécessairement inexacte si elle s'appuie sur un facteur humain.
Une technologie capable d'explorer rapidement de gros volumes de CV et de profils sur les réseaux sociaux professionnels ou même sur les réseaux sociaux permet aux recruteurs d'affiner leur pool de candidats potentiels de façon beaucoup plus rapide et précise.
D’ailleurs, certaines entreprises s'interrogent encore sur le rôle des réseaux sociaux dans le recrutement, mais avec la concurrence exacerbée que l'on connaît ,les plateformes sociales constituent un vivier précieux : Goldman Sachs a récemment utilisé Snapchat pour recruter de nouveaux candidats en plaçant des publicités sur la rubrique "Etudes" de la plateforme – et en assurant la promotion de cette initiative sur Buzzfeed.
Le rôle des technologies dans le processus de recrutement ne se termine pas une fois que le futur salarié a été identifié et évalué. Tout bon professionnel des RH comprend que si un bon candidat peut ne pas correspondre parfaitement au poste pour lequel il a répondu, il possède souvent des compétences qui pourraient s'avérer un jour précieuses pour l'entreprise. En plus d'aider les entreprises à gérer le recrutement et les entretiens, les systèmes actuels de gestion des candidats facilitent leur suivi même au-delà d'une candidature inaboutie. Lorsqu'un nouveau poste est à pourvoir, les RH peuvent interroger le système pour identifier d'anciens candidats dont les compétences ou l'expérience correspondent parfaitement au nouveau poste.
Il est inévitable que l'informatique joue – et continue à jouer – un rôle crucial pour certains aspects du processus de recrutement qui étaient jusqu'à maintenant exclusivement gérés par des humains, mais il serait dangereux de s'appuyer uniquement sur la technologie pour assurer l'ensemble des opérations de recrutement des RH. Tant que les logiciels ne seront pas capables d'évaluer des facteurs intangibles tels que la créativité ou la compatibilité culturelle, le rôle des professionnels des RH ne sera pas remis en question par les progrès des machines. Aujourd'hui, les technologies contribuent plutôt à élargir le rôle des professionnels des RH pour structurer le personnel et l'avenir de leur entreprise, et permettre aux RH de se concentrer sur des missions à valeur ajoutée .
Mélanie Hache-Barrois, HCM Strategy Director South Europe, Oracle