Manager le changement ou changer le management ?* Cette phrase vient d’une étude menée en 2003 ; c’est-à-dire il y a 12 ans ! Nous sommes dans un monde en perpétuelle évolution. C’est un fait !
Et au final qu’est-ce qui change en termes de management ?
Auparavant, un manager pouvait toujours regarder dans le passé, voir ce qui avait été fait dans des circonstances similaires, demander l’avis à des personnes plus expérimentées. Il pouvait se référer à des critères tangibles. Aujourd’hui, tout devient obsolescent à une rapidité vertigineuse. Les critères du « rétroviseur » ne lui servent guère pour gérer le « parebrise ».
Bien sûr, il y a les conséquences des progrès technologiques qui sont de plus en plus rapides, mais est-ce la seule raison ?
Les valeurs associées au travail ont aussi beaucoup changé. L’éducation donnée à nos enfants, l’ouverture sur le monde devenu accessible à tous par la toile, l’évolution du rapport à l’autorité, le sentiment de liberté accordée dans notre société font qu’aujourd’hui, le collaborateur revendique une autre façon d’être managé. Il veut comprendre ce qu’on attend de lui, le sens des actions qu’il doit entreprendre. Il veut être heureux d’une façon globale et donc aussi au travail. Il souhaite qu’on prenne en compte sa vie privée dans la gestion de sa vie professionnelle. Vie sociale, vie de famille comptent aujourd’hui autant que la vie professionnelle.
Comment gérer cette nouvelle donne quand on est manager?
Un proverbe tibétain dit qu’ « on ne peut pas remplir une tasse de thé déjà pleine » : Il faut donc oser mettre de côté ce qu’on a appris pour réussir à prendre des décisions sans critères du passé. En fait, aider ses collaborateurs à faire confiance à leur intuition, à oser prendre des risques, à se « jeter à l’eau » et se dire qu’on réajustera au fil des essais et des erreurs éventuelles. C’est aussi autoriser le droit à l’erreur, lâcher son « sois parfait » pour avancer à la vitesse nécessaire…
Que de remises en cause ! Pas facile quand on est manager et baigné dans des croyances du style : « je n’ai pas le droit de me tromper », « ma prise de décision doit s’appuyer sur des analyses fiables, factuelles que je peux exprimer à ma hiérarchie, à mes collaborateurs »
Les valeurs d’agilité, d’adaptabilité, d’intuition deviennent plus importantes que la détermination, l’inflexibilité, l’assurance… ce ne sont donc pas que des changements comportementaux qui sont demandés au manager de 2015 mais une vraie remise en cause de ses valeurs qui l’ont constitué jusqu’à présent et qui lui ont surement permis de réussir !
C’est là toute la difficulté : comment lâcher quelque chose qui a fait son succès ?
Changer sa façon de manager nécessite une prise de conscience forte, un refus de se soumettre au dictat de l’urgence. C’est essentiel pour éviter de se jeter à corps perdu sur les critères du passé afin de prendre une décision et cela permet de laisser une place à son intuition. Le cerveau droit (espace de la créativité, de l’émotion) peut enfin être utilisé et la rationalité habituelle relativisée. Il s’agit de faire appel à la personne entière, avec toutes ses formes d’intelligence. Le manager, le collaborateur se font davantage confiance, osent expérimenter des choses, suivre des pistes. Ils ne s’appuient plus sur des théories, des généralités, des critères définis par d’autres, mais ils osent partir de chaque situation spécifique et de faire confiance à leurs ressentis, intuitions pour voir ce que ça donne.
Et si au final, cette vitesse rencontrée dans notre monde professionnel était une vraie opportunité pour jeter aux oubliettes les poncifs du passé ? Et enfin l’occasion de se fier à ses intuitions !
*Florence Hunot (titre de son étude en 2003)
Marie-Paule Le Gall