Je rêve d’un test d’orientation qui prémunisse la fonction RH de tous les prétendants dont l’étendard affiche des mignoneries telles que « Empathie » « Bienveillance » « Écoute active »… ces faux chevaliers blanc qui brassent plus de vent qu’une éolienne sous Irma. Rien de personnel dans ce discours, le problème que je veux soulever ici est que cette douce illusion d’une posture « qui place l’humain au centre » ne fait qu’alimenter les conséquences qu’elle combat.
Tu croyais que ces valeurs te permettraient de passer pour un(e) Super RH… C’est raté !
L’avocat qui prône « la justice »
Avec cette introduction, je pense être catégorisé comme « connard donneur de leçon » par ces mêmes personnes qui ne veulent pas « mettre les gens dans des cases ». Calmons nous un instant. Détachons nous de ces tensions égotiques qui viennent de remonter en prenant pour exemple une autre profesion : celle d’avocat.
L’avocat a toutes les raisons de s’engager dans cette profession avec la conviction d’aller défendre la justice, protéger l’opprimé, faire valoir le droit dans ce qu’il a de plus noble.
Que constate-t-on dans la réalité du métier ? Les avocats doivent œuvrer pour des innocents comme des crapules de la pire espèces. Où retrouvent-ils leurs valeurs quand ils doivent défendre le mari qui bat sa femme, le mac qui prostitue des mineurs, ou l’auteur d’un attentat ? Font-ils partie des corrompus qui ont vendu leur âme contre un joli salaire ou de la popularité ?
Non, ils font simplement ce métier à partir du principe fondateur de leur profession : faire en sorte que chaque individu ait le droit à une défense digne de ce nom lorsqu’il comparaît devant la justice. C’est un principe comme cela qui manque aux Ressources Humaines, et qui permettrait de sortir de cet idéal malsain de « l’humain au centre », « l’écoute bienveillante » et autres bisounourseries.
Et pourquoi pas « l’humain au centre » ?
Le problème de l’édification de l’humain comme valeur absolue des Ressources Humaines
Si la volonté est honorable, l’exécution pose un vrai problème : on privilégie paradoxalement l’individu au groupe. Par exemple, quand un collaborateur est incompétent dans son poste, il faudrait selon la bienséance le former, l’accompagner, lui trouver un poste qui lui conviendrait mieux… et voilà ce qui se passe, on investit les ressources sur les personnes qui sont en difficulté, alors que qu’on ne capitalise pas sur celles qui réussissent, en plus de leur faire porter le poids de celles qui échouent. Quand on a la responsabilité de faire en sorte que l’entreprise soit perenne, c’est particulièrement inadapté.
Ce qui vous saute aux yeux dans cette posture, c’est l’absence frappante de notion de solidarité. On ressent plutôt le goût prononcé du « marche ou crève » libéral.
Ce à côté de quoi passent les RH, c’est que la solidarité est par définition volontaire. En tant que personne, je porte volontiers soutien à mon collègue en difficulté. Quand l’action vient des RH, et donc de l’institution, elle l’inscrit en devoir et casse de ce fait toute l’idée de la solidarité.
Quand les RH se veulent bienveillants et protecteurs, ils ne font que tolérer des situations vouées à l’échec. Ce qui a pour seule conséquence de laisser pourrir un peu plus le tableau. Les personnes en réussite se dégoûtent petit à petit de voir tolérer des attitudes dilettantes.
Ce qui se veut être de la bienveillance traduit finalement un manque total de courage.
Ce que devrait être le principe fondateur de RH
« Faire en sorte que le groupe dans son ensemble fonctionne du mieux possible, en assumant que ce soit au détriment de certain. »
Et pas l’inverse.
Si les RH n’en sont pas capables, la réalité business prendra le relai…. comment ? C’est déjà le cas ?
Jerôme DESRACHE
Qui est Jérôme DESRACHE ? Un consultant mystère, bien connu du monde des ressources humaines … Il prend régulièrement sa plus belle plume pour exprimer ses humeurs, avis, conseils et coups de gueule.
C’est en quelque sorte le pirate des ressources humaines, celui qui clame haut et fort ce que tout le monde pense mais ne dit jamais !
2 commentaires
Les RH qui placent si hypocritement l’humain au centre de leur activité, ont juste oublié pour qui et pour quoi ils font leur boulot. Ils font leur boulot pour satisfaire les intérêts de l’actionnaire. Et ce que veut l’actionnaire, c’est optimiser ses coûts, pour rendre son entreprise flexible et efficiente. Optimiser ses coûts passe par les coûts RH. Partant de là, le rôle d’un RH devrait être de rendre la masse des effectifs de l’entreprise la plus efficiente possible. On est bien loin d’un quelconque humanisme.
En revanche, cela n’empêche aucunement un être humain qui exerce dans les fonctions RH, d’agir humainement et d’exercer ses valeurs morales. La fonction n’est pas morale (ni immorale), mais les individus peuvent l’être…
Par ailleurs, vous confondez la solidarité et la générosité. La solidarité n’a jamais été un acte volontaire. C’est un acte collectif imposé par une société. Les impôts, la Sécu, les cotisations retraites sont de la solidarité organisée par l’état, et je ne connais personne qui les paie avec le sourire. On est solidaire car notre société est construite ainsi. Et puis à grande échelle, c’est aussi notre intérêt. C’est pareil dans l’entreprise. Les RH organisent de la solidarité et ils peuvent sûrement s’améliorer. Mais c’est l’intérêt de l’organisation et de l’actionnaire.
La générosité, par contre, c’est une valeur morale et c’est totalement volontaire. Mais généralement, en économie, on ne compte pas sur la générosité des individus pour faire du bon commerce. Si je compte sur la générosité de mon boulanger, je ne risque pas de manger beaucoup de pain. Aussi, je ne compte pas non plus sur celle des RH pour faire progresser l’entreprise ou ses salariés.
JD Gallet – JDéveloppement
A regarder de manière neutre – en évacuant les effets de posture – il est des qualités très utiles au bon exercice des fonctions de DRH. Par exemple, dans sa relation avec l’actionnariat – le DRH prodigue : son écoute (active) / avec une disposition tout à fait favorable de sa propre volonté au service de l’objectif de l’actionnaire / en faisant corps avec les besoins de l’actionnaire (ROI) et ce qu’il éprouve.
A ce titre, le DRH exerce sa capacité d’empathie, de la bienveillance et de l’écoute active. « Objectivé » cela constitue des qualités nécessaires. Cela ne fait pas d’un DRH un Super RH, mais, à contrario, le défaut de ces qualités – appelons-les « humanistes » – pourrait en faire un mauvais RH (au moins vis-à-vis de l’actionnariat et/ou vis-à-vis de ceux qui réussissent et qui ont besoin que l’on capitalise sur elles et donc, que le DRH les écoute, activement, avec bienveillance et empathie).
Juger, « ex abrupto », ces qualités de « mignoneries » ou « bisounourseries » (c’est mal connaître les Bisounours en l’occurrence), les estampiller du rôle de « valeurs », c’est déjà faire fausse route. A ce titre, le parallèle avec le métier d’avocat est « nul et non avenu » dans ses conclusions et dans sa rhétorique ; Car garantir le droit inaliénable de l’individu à être défendu, c’est bien placer « l’humain au centre ». Je conseille le lien suivant sur ce sujet si on veut tenter des analogies (il y en a) : https://lejournal.cnrs.fr/articles/les-avocats-ont-ils-un-sens-moral / 09.04.2015, par Fabrice Impériali / Interview d’Edwige Rude-Antoine, L’Éthique de l’avocat pénaliste. L’Harmattan, décembre 2014. Je relève au passage, au travers de cette intervention, la répétition du phénomène de généralisation par effet de tribune (symptomatique d’une certaine approche des réseaux sociaux). Ce qui est problématique, c’est qu’une impression, un ressenti, une idée, une croyance, un vécu personnel, finissent par être exposés comme une autant de« vérités ». C’est comme cela que les lieux communs, les clichés sont véhiculés, notamment en ce qui concerne les DRH catalogués « Chevaliers blancs ». En quoi, le DRH a vocation à porter la notion de « solidarité » dans l’entreprise (à moins que cela soit une volonté stratégique en vue de pérenniser cette dernière) ? Et en quoi exercer la bienveillance, l’écoute et l’empathie à l’égard d’autrui, dans tout type de relation serait l’apanage d’un libéralisme « marche ou crève » ? Le DRH, au même titre qu’il n’est pas le porte étendard d’une posture humaniste, n’est pas plus le croisé de la solidarité dans l’entreprise. Ce ne sont pas les RH, bienveillants et protecteurs, qui entretiennent des situations vouées à l’échec. Car ce ne sont pas les DRH qui exercent les responsabilités directes du Management de ces situations.
Être bienveillant, en conscience, en congruence, c’est l’expression même du courage. Et c’est grâce à ce courage, c’est grâce à son intention, que le DRH, convaincu et investi de sa mission, est légitime au sein du groupe. A ce titre, il est un catalyseur du bon fonctionnement d’un groupe. Et c’est bien au groupe de prendre en charge sa propre réussite, dans son ensemble d’éléments, performants, ou pas. C’est au groupe d’exercer sa responsabilité et son autonomie, collective à ce sujet. Et ça, c’est la quintessence de la réalité business.