La présence des femmes dans les instances de gouvernance peut-elle sensiblement influer sur la performance des organisations ? Est-ce humiliant d’être une femme dite « quota » ? Au final, la place des femmes dans la hiérarchie ne pose-t-elle pas, plus globalement la question de la gestion des talents ? Eclairages
L’entreprise a-t-elle intérêt à œuvrer en faveur de la complémentarité des leaderships ? Aujourd’hui, être capable d’avoir un regard croisé semble s’imposer comme un enjeu majeur au sein des organisations comme le confirme la Senior vice-presidente Management des talents & développement organisationnel du groupe Schneider Electric, « d’un point de vue business, il serait dommage de se priver du regard féminin.
Rappelons qu’aux Etats-Unis, 70 % des achats domestiques sont réalisés par des femmes ». Pourtant, il semble que les entreprises soient toujours évaluées selon des critères masculins, comme le rappelle Brigitte Gresy, Inspectrice générale des Affaires sociales. Quel est, en effet, le poids de ces normes masculines ? Il semble être plus important que l’on ne peut le penser, comme le confirme les experts. « Il faut éviter de naturaliser les qualités sexo-spécifiques selon lesquelles, les femmes seraient douces et contribueraient à pacifier les relations au sein de l’entreprise quand les hommes seraient enfermés dans le carcan de la rationalité et soumis à des impératifs de performance », souligne l’Inspectrice générale des Affaires sociales.
Créer des passerelles pour faire évoluer les femmes
Pourtant, la loi Zimmerman-Copé a sans aucun doute favorisé l’arrivée des femmes au sein des conseils d’administration. Est-ce, néanmoins, suffisant ? Comment les entreprises peuvent-elles créer des pipelines pour favoriser l’évolution des femmes ?
« Au sein du Groupe Caisse des Dépôts, nous disposons d’un bon vivier de femmes que nous formons afin qu’elles aient toutes les compétences nécessaires pour siéger au sein du conseil d’administration. Par ailleurs, le groupe affiche un pourcentage de 40 % de femmes mandataires sociaux », indique la responsable de la promotion des femmes et de la parité du groupe Caisse des Dépôts. Il semble, en effet, que pour certaines entreprises, les mandats sociaux se révèlent être un excellent levier pour former les femmes qui accéderont à plus ou moins long terme à des responsabilités.
Pour Marie Vezy, Senior vice-presidente Management des talents & développement organisationnel du groupe Schneider Electric : « il est essentiel de détecter en amont, les hauts potentiels qui pourront atteindre les niveaux les plus élevés. Chez Schneider Electric, nous avons des objectifs chiffrés : 30 % doivent accéder à des hautes fonctions. Elles sont aujourd’hui 25 % ».
La complémentarité des leaderships
Nul besoin de rappeler que les hommes et les femmes ne possèdent pas la même vision des enjeux liés à l’accession au pouvoir. « Il existe un vrai décalage de perception entre les hommes et les femmes en matière de promotion des femmes. 70 % des hommes considèrent que la promotion des femmes s’est améliorée au cours des deux dernières années, quand seulement 30 % des femmes le pensent », rappelle Anne Guillaumat de Blignières, Conseillère du comité de direction du Groupe Caisse des Dépôts.
C’est la raison pour laquelle, certaines organisations ont créé des workshops et mis en place des actions de mentoring afin de faciliter les échanges entre hommes et femmes au sein de l’entreprise. « Il faut travailler sur les comportements humains. L’entreprise doit également apprendre à avoir plus de visibilité en matière de gestion de ses talents, car la mixité est sans aucun doute créatrice d’efficience. C’est en faisant bouger les lignes de genre que l’on donnera envie aux jeunes générations de faire carrière au sein de l’entreprise », insiste Viviane de Beaufort, Directeur académique du programme « Entreprendre au Féminin » et « Women be European Board Ready »
Nouvelle gouvernance : vers plus de performance
Un nouveau modèle de gouvernance est-il en passe d’émerger sous l’impact de la mondialisation et des enjeux économiques chevillés à cette dernière ? « Dans certaines de nos filiales certains comités exécutifs sont à parité. L’arrivée des femmes dans les ComEx a accentué l’intelligence collective », souligne la responsable de la promotion des femmes et de la parité du groupe Caisse des Dépôts.
Par ailleurs, il semble que l’arrivée des femmes au sein des comités exécutifs se révèle être source de performances comme le confirme Brigitte Gresy, Inspectrice générale des Affaires sociales « les femmes ont le complexe dit de l’imposteur. Cela a pour conséquence de créer un effet levier dans la mesure où ces dernières ne se rendent aux séances qu’en ayant véritablement travailler sur les ordres du jour. Par ailleurs les femmes ont une vraie manière de poser les questions inhérentes aux risques. Enfin, la présence des femmes pacifie les conflits de pouvoir tout en amoindrissant les poussées d’égo. Rome ne s’est pas faite en un jour et l’accession des femmes à des postes élevés ne peut se faire en une année », conclut l’Inspectrice générale des Affaires sociales.
Emilie Vidaud