Les salariés s’estimant victimes de discrimination ont souvent du mal à se faire entendre. Les recours (inspection du travail, justice…) dont ils disposent sont souvent lourds, chronophages et complexes. Pourtant, certaines entreprises mettent en place des dispositifs internes de traitement des plaintes qui permettent une résolution plus rapide des cas tout en incitant l’organisation à faire preuve de pratiques vertueuses.
LES DIFFERENTES FORMES DE DISCRIMINATION AU TRAVAIL
Handicap, origine, sexe, âge… Les occasions de discriminer ne manquent pas au sein des entreprises. Pourtant, d’après le baromètre lancé par l’Observatoire Cegos et la Chaire Management & Diversité de la Fondation Paris-Dauphine, les directeurs de ressources humaines estiment que l’origine ethnique (71% des personnes interrogées), l’âge (69%) et le sexe (68%) sont les types de discrimination les plus répandus dans les entreprises. La discrimination peut être directe (un salarié est traité de manière différente par rapport à un autre) ou indirecte (une disposition prise par l’organisation entraîne un désavantage pour certains salariés par rapport à d’autres).
LES RECOURS « CLASSIQUES » EN CAS DE DISCRIMINATION
Pour faire cesser une discrimination dont il s’estime victime, le salarié dispose de plusieurs options que l’on pourrait qualifier de « classiques » : solliciter un inspecteur du travail, saisir la Halde, ou encore exercer un recours devant la justice.
Le rôle de l’inspection du travail
Un salarié ayant le sentiment d’être victime d’une discrimination a l’opportunité de solliciter l’inspection du travail. Pour cela, il convient de contacter la section d’Inspection du travail dont dépend votre établissement. L’inspecteur du travail va examiner votre demande mais n’est pas tenu d’intervenir. Cependant, s’il estime que votre situation doit être examinée, l’inspecteur du travail est en mesure de se faire communiquer par l’entreprise tout document ou tout élément d’information pour vérifier si l’entreprise se conforme bien aux dispositions des articles du code du travail et du code pénal relatives aux discriminations. En cas d’infraction, celui-ci peut envoyer une lettre d’observations à l’entreprise ou dresser un procès-verbal qui sera envoyé au procureur de la République, lequel peut décider d’intenter une action contre l’employeur.
La saisie de la HALDE
La HALDE est la Haute Autorité contre les discriminations et pour l’égalité. Il s’agit d’une autorité administrative indépendante dont la mission est de lutter contre les discriminations visées par loi. Toute personne (et donc un salarié) est en mesure de saisir la HALDE. Cette saisine peut constituer en un simple courrier, en renseignant un formulaire en ligne ou en contactant un correspondant local du département dans lequel se trouve le salarié.
Le recours devant la justice
Deux types d’action sont possibles : un recours civil et un recours pénal. Dans le premier cas, il convient de saisir le conseil des prud’hommes et de demander l’annulation de la mesure discriminante ainsi que la réparation du préjudice subi. La charge de la preuve incombant à la victime, il appartient au salarié d’apporter des éléments de faits montrant qu’il a subi un traitement différencié en lien avec une discrimination. Dans le deuxième cas, le salarié peut porter plainte auprès du Procureur de la République, du commissaire de police ou de la gendarmerie pour que l’entreprise soit condamnée pénalement.
Enfin, il est possible que les syndicats ou des associations portent une action en justice face à la discrimination d’un salarié (celui-ci doit néanmoins donner son accord).
LE TRAITEMENT DES RECLAMATIONS EN INTERNE !
De nombreuses entreprises cherchent à obtenir le label Diversité. Délivré par l’Afnor, ce label consiste en une série d’engagements en matière de prévention des discriminations, d’égalité des chances et de promotion de la diversité. Parmi ces engagements figure notamment la mise en œuvre d’une cellule d’écoute et de traitement des réclamations.
Que ce soit pour une question d’image ou de justice, les entreprises essaient de prendre le problème de la discrimination à bras le corps. En effet, les politiques de communication et de prévention s’avèrent parfois insuffisantes, notamment lorsque persistent, dans les faits, un sentiment chez certains collaborateurs de ne pas bénéficier du même traitement que leurs collègues. Pour Alexis Batard, Directeur d’Altidem, un cabinet de diversité, « une meilleure prise en compte des sentiments et des actes discriminatoires passe par l’opportunité pour les salariés de voir leurs situations individuelles examinées ». Dès lors que des actions correctives sont appliquées à des situations discriminantes, l’organisation en tire des leçons pour améliorer ses processus de décision quotidiens : rémunération, recrutement, gestion de carrières… La mise en œuvre d’une cellule d’écoute et de traitement des réclamations remplit deux objectifs majeurs pour les entreprises : elles gagnent en crédibilité en s’attaquant directement aux problèmes, et elles protègent ceux et celles qui sont victimes d’inégalité de traitement.
BNP Paribas a lancé en 2011 une méthodologie d’analyse des réclamations, notamment pour lutter contre les inégalités salariales, première source de discrimination au sein de BNP Paribas. Accessible à tous les collaborateurs de la banque, ce système s’organise en deux niveaux, à travers le gestionnaire individuel, une personne rattachée aux ressources humaines mais capable de garder du recul par rapport aux salariés, et un référent diversité, qui est un salarié de la banque possédant une certaine expertise en matière de discrimination. « Le gestionnaire individuel est la première personne à recevoir le salarié s’estimant victime d’une discrimination. Une fois saisi, il procède à une analyse des éléments à sa disposition pour vérifier si ce ressenti résulte d’une inégalité de traitement » explique Sabine Reigner, responsable des process et procédures RH chez BNP Paribas. Trois critères fondent cette inégalité de traitement : la fonction occupée, l’ancienneté et le niveau de formation initial. Si la discrimination est avérée, le dossier est transmis à l’équipe des pratiques sociales réglementaires qui va apporter une réponse au plaignant. Si cette réponse ne lui satisfait pas, il peut saisir le référent diversité qui va réexaminer le dossier.
En tout, le référent a été saisi d’une vingtaine de cas sur l’ensemble des dossiers traités pour l’année 2011.
La mise en place de ce genre de dispositif se généralise au sein des entreprises ayant obtenu ou cherchant à obtenir le label Diversité. Il offre une nouvelle approche en matière de traitement des discriminations au travail, comme le souligne une responsable des ressources humaines d’un grand groupe automobile : « ce système permet de sortir de la logique victime/coupable en matière de discrimination. Certes, des salariés peuvent se trouver dans des situations difficiles, mais il convient de les aider à en sortir. Il en va autant de l’intérêt de l’organisation que du salarié ! »
Romain Giry