Apparus au cours des années 80 aux Etats-Unis, les centres de services partagés RH (CSP RH) s’imposent aujourd’hui, comme un moyen efficace d’organiser la production de la paie. Jugé innovant et source de performance, le CSP se place aujourd’hui au cœur des réflexions stratégiques RH des grandes entreprises. En France, c’est au cours des années 90 que le groupe France Télécom ouvre la voie à ce modèle d’organisation. Quelles sont les raisons qui poussent les organisations à construire un centre de services partagés dédié à la paie ? Explications
Véritables usines administratives, les CSP s’imposent de plus en plus comme une alternative crédible en matière de production de la paie, et plus largement de la gestion administrative du personnel. « Pour les entreprises de plus de 3 000 salariés, il apparaît désormais totalement anachronique de maintenir des équipes locales autonomes pour produire la paie », confirme Emmanuel des Rochettes, Senior Manager responsable de l’offre HR Transformation chez NorthgateArinso. Mais quel est le rôle véritable du CSP ? Sans aucun doute celui d’un prestataire de service, interne à l’entreprise, qui vise à mutualiser les activités administratives RH. Celles qui peuvent être réalisées à distance du salarié et disposent d’un fort potentiel d’harmonisation entre unités gérées.
Et dans le cas précis de la fonction paie, est-ce intéressant de construire un centre de services partagés ? Selon Emmanuel des Rochettes « cette fonction est aisément mutualisable. Et la mise en œuvre d’un CSP paie sera d’autant plus pertinente que les ressources administratives locales sont importantes et les processus non harmonisés ». CQFD.
Mettre en place un CSP
« La mise en place d’un CSP n’est pas un projet que l’on peut mener dans l’ombre. Il y a un ensemble important de chantiers à mener et des jalons sociaux à respecter », souligne l’expert. Parce que ce type de projet touche à l’organisation même de l’entreprise, il sera l’occasion d’une redistribution des rôles de la fonction RH : déchargées des tâches administratives, les équipes RH locales pourront en effet, développer leur rôle de Business Partner (déploiement des politiques RH, soutien au management, soutien RH orienté « carrières » auprès des salariés, dialogue social).
Enfin, la mise en œuvre d’un CSP paie s’accompagne la plupart du temps, d’une harmonisation des règles et des processus. « Il ne faut pas oublier que la mise en place d’un CSP sous-tend une relation client-fournisseur. Les activités de paie et de (tout ou partie de) gestion administrative RH seront transférées par les structures locales à ce nouvel acteur à condition qu’il garantisse une qualité de service au moins équivalente à celle qui préexistait : la mise sous contrôle de la qualité de service est un des piliers des modes de fonctionnement des CSP RH », précise Emmanuel des Rochettes.
Mais le véritable challenge d’un projet de CSP paie se situe surtout au niveau de la transition des équipes. La nouvelle organisation ne sera efficace que si elle dispose dès le démarrage des bonnes compétences, qui proviendront en partie des anciennes équipes. Il s’agit donc de réussir à la fois à mobiliser les acteurs locaux « sachants » à rejoindre la nouvelle structure mutualisée, mais aussi d’accompagner au mieux les évolutions qui seront apportées au métier. « Lors de la construction d’un CSP, un travail de fond devra toujours être mené pour définir les postes cibles du CSP et les compétences associées, et analyser les écarts entre celles-ci et les compétences existantes, pour permettre l’élaboration d’un plan de formation adapté », indique le spécialiste de l’offre HR Transformation chez NorthgateArinso.
L’analyse de l’implantation géographique des équipes administratives RH (avant transformation) est un point-clé pour localiser au mieux la future organisation mutualisée. Et c’est bien là, l’une des décisions les plus importantes comme l’explique le spécialiste RH, « bien souvent, l’une des difficultés majeures consiste à mobiliser les ressources à rejoindre un seul et même site de production de la paie. Nous avons eu le cas d’un acteur de la grande distribution qui s’est trouvé confronté à un risque de perte de ses ressources en raison de difficultés liées à la mobilité. Ce grand groupe a finalement pris le parti d’opter pour la création d’un réseau de sept centres régionaux, qu’ont rejoint les gestionnaires provenant de leurs 120 hypermarchés ».
Les bénéfices réels ?
Mutualiser la gestion de la paie occasionne de nombreuses améliorations. A commencer par les deux bénéfices principaux visés par les entreprises : une réduction des coûts et une mise sous contrôle de la qualité de service. « La mutualisation des ressources, la standardisation et l’harmonisation des processus de cette fonction permettent de dégager des gains de productivité significatifs pour l’organisation. A cela s’ajoute souvent une dynamique de professionnalisation des acteurs de la fonction, qui auront un impact positif sur la qualité du service rendu aux clients du CSP », précise Emmanuel des Rochettes.
Le rassemblement sur un seul et même site fait, par exemple, disparaitre les sureffectifs liés à la multiplicité des équipes locales. Il permet également une meilleure maîtrise de la charge de travail et une meilleure affectation des effectifs aux besoins. Les pratiques métiers sont harmonisées et la filière paie et gestion administrative, significativement professionnalisées. « Le regroupement des experts métier au sein du CSP paie va permettre à l’ensemble des gestionnaires de monter en compétences », confirme l’expert en conduite de projet de CSP RH. Enfin, plus globalement, un projet de CSP RH présente aussi l’avantage de réallouer les ressources locales vers les activités RH à forte valeur ajoutée comme le développement RH ou le soutien RH au management.
Et après avoir mis en place un CSP paie ? En général, l’étape suivante consiste à mutualiser au sein de ce centre de services partagés la gestion administrative du personnel. Et ensuite, l’entreprise peut-elle envisager l’externalisation ? Toujours dans cette logique d’administration de la performance, le CSP peut se révéler être un « sas » préparant l’entreprise à l’externalisation des fonctions administratives RH. Mais cela ne se vérifie pas dans tous les cas de figure comme le signale Emmanuel des Rochettes, « depuis plus de trois ans, j’anime un Cercle qui rassemble plus de 15 responsables de CSP RH opérationnels de grandes entreprises françaises. Il n’y en a pas une qui ne tire pas un bilan positif de la mise en place de ce modèle organisationnel. Alors effectivement, le centre de services partages peut préfigurer la mise en place d’un futur projet d’externalisation, mais il s’impose également comme une structure stable et pérenne à part entière ».
Emilie Vidaud