En juillet dernier, le Pôle Emploi et la Dares publiaient les chiffres du chômage, annonçant que les plus de 50 ans étaient les plus touchés, avec 544 300 seniors au chômage en juin, soit une hausse de 2% sur un mois et de 13% sur un an. Doit-on attribuer ces chiffres aux préjugés qui entourent les actifs seniors : coût élevé, manque de motivation, de flexibilité… ou simplement à un marché de l’emploi difficile, pour toutes les populations ? Sur quel créneau les seniors ont-ils le plus de chance de s’insérer ?
Pour en savoir plus, consultez notre article sur les seniors en entreprise.
Le senior : une nouvelle définition
Dans son abécédaire PassAge, l’AFMD, l’Association Française des Managers de la Diversité, définit le concept « senior » comme une période entre deux âges. Le senior n’est plus un junior (plus de 20 ans), mais n’est pas encore un vétéran (à partir de 45 ans). Une définition inspirée du milieu sportif. « En droit du travail, [le terme senior] ne connaît pas de définition », précise l’AFMD. Dans le Code du Travail, on trouve plusieurs référence : pour les contrats de professionnalisation « senior », l’âge est fixé à 45 ans ; pour les CDD dits « senior », à 57 ans. « Selon la définition de Pôle-Emploi, on parle de senior dès lors que la personne a atteint 45 ans, poursuit Bertrand Favre, président co-fondateur de Bitwiin, un site dédié à l’emploi des senior. 45 ans, c’est jeune ! ».
S’il est difficile d’attribuer un âge à partir duquel la personne devient un senior, la démarche a peu d’intérêt. Il apparaît plus opportun de définir la population en elle-même. Qui sont les seniors ? Que recherchent-ils dans l’emploi ? « La population des seniors actuelle n’est pas la même qu’il y a 20 ans. Les seniors d’aujourd’hui sont en forme physiquement et intellectuellement », définit Bertrand Favre. Une définition qui ne laisse pas de place à l’équation senior = personne âgée. Si, comme le dit le sociologue Jean-Philippe Viriot-Durandal , le concept « senior » a été inventé pour balayer le terme, plus dépréciatif, de « personne âgée », l’assimilation ne vaut plus aujourd’hui. Le manque de flexibilité et de motivation est relayé au rang des fausses idées reçues. Bertrand Favre donne pour exemple des entreprises de transport qui ont récemment recruté des chauffeurs et livreurs de points presse, séduites par la ponctualité des seniors, prêts à accepter des horaires très matinaux.
« Les préjugés autour du senior découlent d’un historique autour du mécanisme de préretraite », continue le président de Bitwiin. Aujourd’hui, le senior ne vise pas la retraite. D’après l’Insee (février 2011), 60% des seniors au chômage ou à la retraite souhaitent retrouver une activité. « Ils ne cherchent pas à retourner dans l’emploi seulement pour accéder à leur dernier trimestre, mais pour se construire dans l’emploi », analyse Bertrand Favre. Le retour à l’emploi s’impose comme une nécessité financière, mais surtout comme un moyen de se réaliser, d’exister.
Reste le préjugé du coût élevé d’un senior. Mais est-il valable ? Selon Bertrand Favre, « le senior est prêt à baisser son salaire et à effectuer des tâches différentes de ses précédentes expériences. Le senior n’est pus dans la perspective de gravir des échelons. Ce qui compte, c’est qu’il ait une couverture santé et qu’il trouve un emploi dans lequel il se sent bien ». Dans la lignée, le Plan d’Actions Senior réutilise les ficelles de l’emploi aidé : possibilité de CUI/CIE ou professionnalisation, et prime de 2000€ à l’embauche d’un chômeur de plus de 45 ans.
Des perspectives dans les PME
Nous l’avons vu, le terme « senior » admet plusieurs âges et plusieurs définitions. Lorsque le mot est apposé au métier – par exemple, consultant senior – il n’a d’autre signification que celle de l’expérience. C’est sur ce sens qu’insistent tous les promoteurs de l’emploi des seniors. « Tandis que les Grands Comptes font des effets d’annonce, mais n’ont aucun poste à pourvoir réellement pour les seniors, je crois en l’emploi des seniors dans les PME, qui ont vraiment des besoins de compétences », déclare Bertrand Favre. Il explique que les PME rencontrent des difficultés à recruter des compétences, donc à se développer. Lorsqu’elles proposent des postes, parfois à responsabilités, il s’agit souvent de temps partiels. « Un jeune actif n’est pas prêt à accepter ce type de contrat, avance Bertrand Favre. Le senior n’a plus d’enfants à charge, parfois même de loyer à payer, il n’a pas les mêmes besoins, ni les mêmes attentes en terme d’évolution de carrière » et serait donc plus enclin à mettre ses compétences, son expérience au profit d’une PME.
Le président de Bitwiin donnait plus haut l’exemple des entreprises de transport. Le site en lui-même est dominé par les annonces des domaines Administratif (notamment : secrétariat et rédaction), Bricolage (plomberie, électricité, serrurerie), Marketing//Commercial/Finance (commercial, management et conseil) et Informatique (dépannage, formation). Bertrand Favre remarque que les entreprises de téléprospection ont trouvé un intérêt particulier au recrutement de seniors à des postes de commerciaux. « Il ne faut pas oublier que 25% des Français ont plus de 60 ans ; les seniors sont aussi des consommateurs. Pour les séduire, il faut des commerciaux qui ont le même code de langage, le même débit, le même discours », précise le président de Bitwiin.
Il y a quelques semaines, Arnaud de la Tour, le Président du PRISME , prônait dans nos pages l’intérêt de l’intérim pour les seniors, en tant que solution de retour dans l’emploi. Une position que partage Bertrand Favre partage : « Ce qui est important, c’est de remettre le pied à l’étrier ». Il conseille également aux entreprises et aux seniors de se pencher sur la solution de l’auto-entrepreneuriat.
Quant aux perspectives d’emploi stable, durable, finalement, les seniors font face aux mêmes difficultés que la génération Y : celles du marché actuel de l’emploi. Les préjugés ont bon dos.
Typhanie Bouju