Souvent sous la pression et en situation fréquente de pénurie de ressources, les managers sont tentés de prendre quelques libertés avec le Code du travail. Soumis à des injonctions contradictoires, ont-ils toujours le choix ? Or, en cas de contentieux ou de contrôle administratif, personne n’a vraiment envie d’être responsable. Et encore moins les RH.
Des managers qui ne trouvent plus de solutions pour gérer les temps sans franchir la ligne jaune
La pénurie de ressources est réelle dans de très nombreux secteurs : restauration, petite enfance, santé, agroalimentaire… Pour assurer coûte que coûte le service, les managers n’ont parfois pas d’autres solutions que de s’affranchir de certaines contraintes réglementaires. Par conséquent, les infractions aux temps de travail peuvent vite survenir :
- non-respect des temps de repos ;
- dépassement des durées maximales journalières et hebdomadaires ;
- amplitude journalière excessive ;
- explosion des heures supplémentaires, etc.
En cas de contrôle administratif, d’accident de travail ou de trajet, de contentieux, il ne fait pas de doutes que de telles situations présentent des risques pour l’entreprise. Mais au final qui porte la responsabilité quand un problème survient ?
Gestion des temps : le règne des injonctions contradictoires
Dans les faits, c’est bien le rôle des RH de s’assurer que les règles sont respectées et d’intervenir le cas échéant. Mais on se heurte ici à la réalité du quotidien.
Ainsi, cette chaîne de restaurants qui avait mis en place un logiciel de gestion des plannings pour aider les managers à mieux respecter la législation sur les temps de travail s’est vite attiré cette remarque de la ligne managériale : « Compte tenu de nos problèmes d’effectifs, si vous voulez des plannings conformes la seule solution sera de fermer les restaurants au moins 2 jours par semaine ! ».
Dans ce genre de situation, cela se termine assez souvent par des positions un peu jésuitiques de la part des services RH : « Nous vous fournissons un logiciel pour mieux planifier et mieux respecter le cadre légal et l’accord d’entreprise sur les temps de travail. Nous vous formons aussi sur les règles en vigueur. Vous verrez des anomalies si votre planification n’est pas conforme. À vous de faire au mieux ! ».
Mais tout le monde sait que le problème à la base (le manque de ressources) n’est pas réglé. Ce genre de position risque alors d’être vu comme « une ouverture de parapluie » et un renvoi de responsabilité vers les managers en cas de contentieux.
Prendre le taureau par les cornes ou fermer les yeux
Un service RH a parfaitement le droit (et même le devoir) de rappeler à l’ordre un manager qui s’affranchit des règles légales sur les temps de travail ou ne respecte pas l’accord de son entreprise, simplement parce que c’est plus simple pour lui. Mais la position devient plus difficile à défendre quand la DRH sait très bien qu’il n’a pas d’autre solution et que le manager a déjà expliqué ses difficultés à plusieurs reprises.
Certaines entreprises, souvent les grands groupes, ont pris des positions très claires : le respect de la conformité prime et on demande avant tout aux managers de respecter l’accord d’entreprise. Ce qui signifie qu’on est prêt à encaisser les pertes opérationnelles que cela occasionne comme un service dégradé, un point de vente qui reste fermé partiellement, un retard dans la production, etc. Il y a donc ici une cohérence et les RH peuvent alors être exigeants, car la règle du jeu est claire.
À l’inverse, d’autres entreprises choisissent de fermer les yeux et de vivre avec la situation. Ceci en espérant qu’elles passeront entre les gouttes. On ne froisse personne, à commencer par la direction générale. Mais, dans ce cas, la multiplication des messages et des mails en provenance de la RH pour rappeler des règles dont tout le monde sait qu’elles ne seront pas respectées sur le terrain peut vite devenir irritante.
Aider les managers à bien gérer les temps de travail avant tout
Si la RH ne veut pas générer une image de « renvoi de responsabilité » qui, en définitive, peut se retourner contre elle, elle n’a d’autre issue que d’aider les managers à s’en sortir le mieux possible. Pour cela, elle doit tout d’abord à mieux gérer le problème sur un plan structurel : recrutement, fidélisation, prêts de personnel, polyvalence… Elle doit ensuite être irréprochable sur l’accompagnement : formation aux règles légales, pédagogie sur l’accord d’entreprise, aide à l’utilisation de la solution, processus compréhensibles… Car c’est un autre volet du sujet : les managers peuvent être incapables de s’y retrouver dans le maquis des règles de gestion des temps applicables. Et ce, en toute bonne foi.
En d’autres termes, c’est en étant exigeante avec elle-même que la fonction RH pourra l’être avec les managers et éviter ainsi de donner l’impression de se « couvrir ».