Gérer les plannings de travail des équipes devient de plus en plus difficile. Les planificateurs ou les managers en charge de cette fonction sont parfois au bord de l’épuisement. Les directions opérationnelles et les services RH en sont-ils bien conscients ?
De nombreux planificateurs ou managers en charge de la planification de leurs équipes ne cachent plus la difficulté croissante à générer des plannings qui satisfont toutes les contraintes qu’on leur demande d’optimiser. Certains sont au bord de l’épuisement et ils n’ont pas toujours le sentiment que la difficulté de leur mission est bien comprise par leurs directions opérationnelles ou par leurs services RH.
Quand l’épuisement guette les planificateurs
La scène se passe il y a quelques mois dans une entreprise des Pays de la Loire dans le domaine de la métallurgie où j’intervenais. L’unique planificateur de cette société de 100 collaborateurs, dont environ 60 en production, me présentait un superbe tableau Excel dans lequel il gérait — souvent à la main — toutes les données nécessaires à sa planification :
- les commandes des clients avec les dates de livraison ;
- le calendrier des machines avec les plages de maintenance prévues ;
- le calendrier des approvisionnements matières et semi-finis ;
- et, enfin, le calendrier des opérateurs.
Avec tous ces éléments, il pouvait générer un planning optimisé de production en essayant de tenir compte de tous les éléments. Au fil des mois, il avait développé dans Excel de très nombreuses macros pour optimiser la génération du planning et travailler par exception.
Seule personne à réellement maîtriser la planification dans l’entreprise, et en particulier celles des collaborateurs, il avait adapté sa vie personnelle aux contraintes de sa fonction et ne pouvait prendre ses congés qu’à des moments qui ne pénalisaient pas l’organisation de l’entreprise. Sa consommation de café et de cigarettes en disait long sur son état de stress !
Et ce qui devait arriver arriva : 2 mois plus tard, arrêt pour burn-out suivi d’une démission, plongeant son employeur dans des difficultés majeures, en particulier pour utiliser l’outil développé par son collaborateur.
- Cet article pourrait aussi vous intéresser : À quoi sert un logiciel de gestion des plannings de travail ?
Une accumulation de complexités et de contraintes
Dans le cas présent, l’intéressé ne faisait pas mystère du fait que l’axe de planification le plus compliqué à gérer pour lui était celui qui concernait les collaborateurs. Pour les machines, les approvisionnements, la sous-traitance, il disposait encore d’une certaine flexibilité lui permettant de trouver des solutions. Par contre, dans un bassin d’emploi avec un taux de chômage à 5 %, avec des compétences rares recherchées (des soudeurs, par exemple) et des problèmes de fidélisation, la dimension « homme » du planning était devenue pour lui extrêmement compliquée à gérer.
Ajoutons à cela qu’il était soumis à une quasi-interdiction de sa direction de recourir aux heures supplémentaires et à l’intérim, que sa RH le mettait sous pression pour un respect scrupuleux de l’accord d’annualisation tout en lui demandant de prêter attention aux souhaits individuels des collaborateurs. Il se trouvait ainsi régulièrement confronté à des situations nécessitant une énergie et une créativité bien difficiles à maintenir dans la durée.
Un syndrome d’épuisement
Cet exemple n’est peut-être pas si isolé. Les planificateurs — qui sont 7 fois sur 10 des managers — ne cachent plus leurs difficultés à concilier toutes les contraintes qu’on leur impose pour la planification des équipes : qualité du service client, optimisation des coûts, respect des attentes vie pro-vie perso, conformité légale du planning, demandes incessantes de reporting, quand ce n’est pas de… justifications !
Ils sont très souvent confrontés à des situations de crise. Certains indiquent même qu’ils sont parfois la variable d’ajustement et viennent aider les équipes sur le terrain pour pallier des sous-effectifs.
Ainsi, nombreux sont ceux qui disent qu’ils ont de plus en plus de mal à trouver des solutions ou alors au prix d’arbitrages incessants, de demandes de dérogations, ou de non-respect plus ou moins affiché des réglementations sociales.
- Cet article pourrait aussi vous intéresser : L’enfer de l’équité dans les plannings de travail
« Oui, mais ça fait partie du job ! »
On peut en effet admettre que gérer des plannings et trouver des solutions à des situations problématiques fait partie intégrante du métier de planificateur. Mais jusqu’où ?
Si la pression des clients, les impératifs de taux de service, la réduction des coûts sont des contraintes de longue date, on a souvent tendance à sous-estimer la croissance récente et très rapide d’autres facteurs de complexité : une réglementation de plus en plus incompréhensible, l’inflation normative, des pénuries de ressources dans de très nombreux secteurs, des exigences sociales parfois non négociables de la part des collaborateurs.
Combien de planificateurs et managers sont aujourd’hui exposés à des situations insolubles dans l’industrie, la restauration, les crèches, les hôpitaux, les services à la personne… ?
Les directions opérationnelles et les services RH sont-ils toujours bien conscients de la difficulté ? Mettent-ils réellement en œuvre des plans d’action pour aider les planificateurs en difficulté, voire en situation de souffrance pour certains ?
