Bienvenue dans le nouvel épisode de la saison 1 de « T’as raté le coche », intitulé : « Quand tu recrutes à la tête du client ».
Dans cet épisode, nous plongerons au cœur d’un enjeu crucial et souvent sous-estimé dans les processus de recrutement : les biais cognitifs. Comment influencent-ils nos décisions lors de la sélection des candidats et quels impacts peuvent-ils avoir sur l’équité et l’efficacité des processus de recrutement ?
Pour éclairer ce sujet complexe, nous accueillons David Bernard, CEO d’AssessFirst. Ensemble, nous allons explorer les mécanismes des biais cognitifs et découvrir des stratégies pour les neutraliser. Suivez-nous dans cette conversation instructive qui révèle les subtilités et les défis du recrutement sans biais.
S01 E09 : Quand tu recrutes à la tête du client
Christophe : Bonjour, je suis Christophe PATTE, le fondateur du média myRHline.com dédié aux professionnels des ressources humaines. Bienvenue dans « T’as raté le coche », le podcast qui décrypte les tendances et l’actualité du monde du travail. Dans cet épisode, on va se demander ce qui se passe quand tu recrutes à la tête du client. Comment s’assurer de trouver le bon candidat, de ne pas faire entrer en jeu les fameux biais cognitifs ? Et pour répondre à cette question, j’ai invité David Bernard, CEO de AssessFirst. Salut David !
David : Salut Christophe !
Christophe : David, t’es CEO chez AssessFirst, tu peux nous raconter un peu ton parcours ?
David : Oui, je suis psychologue du travail, plus précisément diplômé en psychologie quantitative. C’est-à-dire que c’est l’étude de toutes les techniques, les méthodes, les outils qui vont permettre de quantifier les caractéristiques psychologiques, comportementales en particulier des candidats dans le cadre du travail.
Christophe : Alors la question de ce podcast, c’est comment ne pas recruter finalement à la tête du client ? Et on parle souvent de biais cognitifs, mais c’est quoi les biais cognitifs ?
David : Alors les biais cognitifs, ça va être tous les mécanismes psychiques, conscients ou inconscients, surtout, qui vont impacter la manière dont une personne va capter l’information, la traiter et, au final, la façon dont la personne va prendre ses décisions. Donc ce qu’il faut savoir aujourd’hui, c’est que t’as 188 biais cognitifs justement qui sont susceptibles de troubler un peu ton jugement. Et le problème de ces biais cognitifs, c’est qu’ils vont nous amener à faire des raccourcis dans notre manière d’appréhender les situations, de délibérer. Et ça peut avoir un impact énorme et négatif sur notamment l’équité des processus de recrutement.
Christophe : Ça veut dire que tu peux recruter quelqu’un par exemple, je ne sais pas, un mec, une nana parce que tu les trouves beaux ou sympas. Tu vas recruter la personne sur ces critères qui sont, finalement, pas du tout objectifs.
David : Oui, typiquement, ça, c’est un des biais cognitifs en effet. Et on sait aujourd’hui que, avec ce que tu viens de citer par exemple, le fait d’être face à une personne que tu juges agréable, belle, oui, tu auras tendance à être beaucoup plus coulant, on va dire, dans ta manière de prendre des décisions et sur ta façon de l’évaluer.
Christophe : Comment tu t’en prémunis en fait ?
David : En fait, il y a plusieurs choses. La première étape, à mon sens, c’est tout d’abord de bien définir quels sont les critères sur lesquels tu dois appuyer pour évaluer une candidature, évaluer un candidat, notamment pendant un entretien, parce que si tu ne sais pas ce que tu cherches ou si tu n’as pas une définition bien précise de quels sont les critères qui sont liés positivement à la réussite, à l’engagement, c’est quand même ce que tu cherches à prédire dans le job pour lequel tu recrutes, déjà, ça part mal. Ensuite, il va falloir se doter de méthodes, d’outils, qui vont me permettre justement d’aller au-delà de ces biais cognitifs, de les neutraliser. Donc on peut penser tout d’abord au plus simple, c’est l’entretien structuré, c’est-à-dire que, plutôt que d’avoir un entretien un peu décousu ou une simple conversation, tu vas avoir une liste extrêmement précise des questions que tu vas poser à chacun de tes candidats, à chacune de tes candidates. Donc, il faut toujours les poser de la même manière, dans le même ordre. Ça, c’est hyper important et surtout dans le choix des questions, c’est-à-dire des questions qui soient ce qu’on appelle « centrées sur les comportements », entretiens de recherche, de faits. C’est-à-dire que typiquement, si tu cherches à évaluer la créativité d’une personne, eh bien tu vas lui poser une question de type A, « Donnez un exemple concret de situation à l’occasion de laquelle vous avez dû faire preuve de créativité, présentez-moi la situation. Quelles sont les difficultés auxquelles vous avez été confrontées ? Comment vous vous êtes pris pour les contourner ? » Et ça, c’est intéressant parce que ça va te permettre d’avoir des illustrations très concrètes, non pas tirées de l’imagination de la personne. Par exemple, quand tu poses des questions du type : imaginez, vous êtes dans une situation, qu’est-ce que vous feriez ? Il ne faut pas poser des questions comme ça parce que ça, ça va juste conduire la personne à se projeter, à imaginer la façon dont elle, elle traiterait la situation. Mais c’est pas ça qu’on cherche à savoir, ce qu’on cherche à comprendre, c’est concrètement dans son expérience, comment ça s’est passé ? Quelles ont été les techniques, les stratégies, les outils, les méthodes que la personne a employés justement pour faire face à la situation à laquelle a été confrontée ?
Christophe : Alors l’entretien structuré, on en entend souvent parler, mais malgré tout… Admettons, je suis recruteur, j’arrive le lundi matin, je suis en pleine forme, je fais mes dix entretiens structurés dans la journée. Le mardi, je suis un peu malade. Moi, en tant que recruteur, je vais faire mes dix entretiens, mais en même temps, je suis plus moi dans le même état psychologique. Du coup, est-ce que c’est suffisant ?
David : En fait, non, clairement, c’est pas suffisant. C’est pour ça que ce qui est préconisé en plus justement de la structuration des entretiens, c’est de se doter d’outils qui vont permettre de recueillir de la data fiable, la plus structurée possible également concernant le potentiel de tes candidats. Et typiquement aujourd’hui, t’as tout ce qui est tout ce qu’on appelle (c’est une grande famille), les tests psychométriques, ça c’est hyper intéressant dans le sens où ce sont les mêmes questions auxquelles les personnes vont être confrontées. Et surtout, ces outils ont été conçus justement pour éliminer un maximum possible de biais et pour chaque candidat, par exemple, si tu lui fais passer un test de personnalité ou un test cognitif, tu vas récupérer ces résultats sur les 20 traits de personnalité avec une échelle qui va être standardisée. Et donc, aujourd’hui, c’est la technique la plus fiable qui existe pour avoir un une mesure du potentiel des candidats et également pour pouvoir comparer les différents candidats toutes choses égales par ailleurs. Donc si tu veux aujourd’hui professionnaliser le processus de recrutement, introduire davantage de fiabilité, de consistance dans l’évaluation des candidats, clairement, ces outils là, tu ne peux plus faire l’impasse dessus.
Christophe : Alors, est-ce que la façon dont le test va être passé va influencer les résultats ? C’est-à-dire, je suis candidat, je reçois les tests, je suis assis dans mon canapé, je les passe. Ou alors je suis dans l’entreprise et pendant mon entretien, on me les fait passer. Donc finalement, deux modes de passation complètement différents. Est-ce que ça a un impact sur les résultats ?
David : Ça peut impacter, mais de manière extrêmement marginale. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, quand tu dois développer, valider un outil avant de le mettre sur le marché, tu vas t’assurer justement de neutraliser au maximum l’ensemble de ces facteurs qui peuvent parasiter, on va dire, une évaluation. Ce qu’il faut bien comprendre également, c’est que de nos jours, la plupart des entreprises utilisent des outils d’évaluation en ligne et donc le candidat va se retrouver dans la situation suivante, c’est-à-dire qu’il va être chez lui dans le confort de un environnement qui est familier et donc il va être bien, beaucoup plus relax, plus détendu. Et il va pouvoir répondre de manière aussi beaucoup plus spontanée au test. Alors que c’est vrai que quand il passe à l’intérieur d’un cabinet de recrutement ou dans une entreprise, ben t’as peut-être aussi tout le décorum qui va introduire une forme, pas de tension, mais de pression supplémentaire sur le candidat. Il se dit : voilà, je suis dans une situation en jeu. Donc ce qu’on conseille nous à tous, nos tous nos clients, les clients d’AssessFirst, c’est vraiment bien d’évaluer les candidats en ligne. On précise bien : mettez-vous dans un contexte qui est propice justement à la passation de ce genre de test. Réservez 25 minutes et puis généralement, ça se passe très bien.
Christophe : Et on m’avait dit que ça prenait 45 minutes les tests.
David : Non, ça prend pas 45 minutes. Aujourd’hui, c’est pareil. Là, on a sorti un nouveau test une questionnaire d’évaluation de la personnalité qui s’appelle Swipe. Donc avant, on était sur une version qui nécessitait 12 minutes environ. Et donc là, on a de nouvelles technologies, de nouveaux algorithmes de cotation des réponses et qui fait qu’on est descendu à moins de six minutes donc en moyenne, c’est cinq minutes et 30 secondes pour procéder à l’évaluation du potentiel d’un candidat.
Christophe : Pour schématiser, de ce que j’ai compris, Swipe, c’est un peu le Tinder des tests de recrutement, c’est ça ?
David : Oui, c’est Tinder (…) Dans le mode d’utilisation, c’est exactement ça. C’est-à-dire que t’as une série d’images hautement évocatrices avec à chaque fois un mot, un terme qui est qui a associé et le candidat va simplement swiper. La phrase à gauche, à droite sur l’image en fait eh bien qui lui correspond le plus. Et en fait on pourrait dire c’est bizarre, mais en fait, ce qu’il faut bien comprendre, c’est que le cerveau va traiter les images dix fois plus rapidement environ, qu’il ne va traiter les phrases, les phrases ou les mots. Donc du coup, ça aussi, ça revient court-circuiter le processus selon lequel le candidat pour chercher à un moment donné à changer ses réponses, à les orienter vers tel ou tel type de facteur. Et donc, ce qui est intéressant, c’est qu’on s’est rendu compte en faisant passer les deux versions, c’est-à-dire la version test classique, la version Swipe à des milliers et des milliers de candidats, qu’on arrive à des résultats qui sont beaucoup plus prédictifs et beaucoup plus proches de la réalité de qui est l’individu que ce qu’on était capable de faire auparavant.
Christophe : Est-ce que c’est une nécessité face notamment à l’IA parce qu’on sait qu’il y a beaucoup de candidats aujourd’hui qui utilisent ChatGPT pour contrecarrer les tests, est-ce que Swipe est une réponse à ça ? Parce que je pense pas que ChatGPT puisse passer Swipe à la place d’un candidat, non ?
David : Clairement, ce qui est intéressant, c’est que maintenant tous les outils qu’on développe sont résistants à l’intelligence artificielle. C’est-à-dire que quand on va développer l’outil, non seulement il faut s’assurer que ces caractéristiques psychométriques soient correctes, voire excellentes, c’est-à-dire tout ce qui a trait à la validité, la fiabilité, la fidélité, la sensibilité. Mais on s’assure également que quand on voit l’ensemble des questions à ChatGPT, tu lui demandes de te sortir par exemple un profil sur mesure sur la personne, aujourd’hui, avec des tests classiques, il est en mesure de s’approcher de cette image idéale que tu souhaiterais projeter. En revanche, avec les nouveaux formats tels que Swipe pour la personnalité ou Brain par exemple sur les capacités cognitives, eh bien ChatGPT, aujourd’hui en tout cas, ne peut pas répondre à ce type de questionnaire.
Christophe : Merci David.
David : Merci Christophe.