C’est la principale attente aujourd’hui quand on parle temps de travail. Quel que soit le poste et — plus surprenant — quel que soit l’âge, les salariés voudraient plus de souplesse dans leurs horaires. Mais est-ce possible de faire plaisir à tout le monde ? C’est que nous allons voir.
Plus de souplesse dans les horaires de travail pour les salariés : mission impossible ?
Plusieurs études ont montré récemment que la principale attente des salariés n’est pas réellement une réduction de leur temps de travail, mais d’avoir plus de souplesse dans l’organisation de leurs horaires. Est-ce vraiment possible de répondre à cette demande ? Et surtout comment être équitable avec tout le monde ?
C’est très bien cette demande de souplesse ! Mais chez nous, la chaîne de production démarre à 5 h du matin, et pas à 5 h 10. Et s’il nous manque une seule personne sur la ligne, on ne peut pas fonctionner. Alors dans notre cas, la demande de souplesse dans les horaires, on ne voit pas bien comment y répondre.
C’est ainsi qu’a réagi un directeur industriel en découvrant les résultats de différentes études qui mettaient en évidence que pour 7 à 8 salariés français sur 10, la principale attente aujourd’hui quand on parle de temps de travail est d’avoir plus de souplesse.
Des horaires de travail pour faire face à ses contraintes personnelles
Les différentes enquêtes consacrées au sujet se rejoignent : il ne s’agit pas de moins travailler ou d’éviter des horaires considérés comme pénibles (nuit, dimanche, horaires décalés…). D’ailleurs, la DARES démontre dans ses études que ces horaires pénibles, contrairement à une idée reçue, sont encore et toujours majoritairement occupés par les plus jeunes.
Non, il s’agit avant tout de pouvoir faire face à des contraintes personnelles : enfant malade, imprévu domestique, problème de transport, activité familiale ou sportive… Et cette demande est croissante depuis la COVID.
Des conséquences en termes de fidélisation RH
Les DRH sont de plus en plus nombreux à reporter que ne pas répondre à cette demande de souplesse se traduit aujourd’hui par un absentéisme incontrôlé, des arrêts maladie voire des démissions. De nombreuses organisations sont donc au pied du mur pour trouver des compromis dans le but de satisfaire (au mieux) les salariés, sans nuire à la performance.
Des activités où plus de souplesse dans les horaires est possible
Certains secteurs se prêtent assez facilement à l’introduction de plus de souplesse dans les horaires de travail, assez souvent dans des métiers qui emploient une main-d’œuvre qualifiée : IT, R&D, ingénierie, conseil, communication…
Ce sont d’ailleurs souvent des secteurs avec une forte population de cadres, une autonomie dans le travail et des activités assez individualisées. Ici, la souplesse dans les horaires est assez implicite et pas toujours formalisée. Ce qui peut d’ailleurs poser quelques problèmes d’organisation.
Une souplesse plus difficile dans l’industrie, la logistique, le retail, les services publics
Mais cette souplesse est bien plus compliquée à mettre en œuvre dans des activités soumises à des contraintes de production ou à un service client avec des horaires imposés.
On comprend aisément que donner de la flexibilité sur les heures d’embauche à un ouvrier qui travaille en équipe ou à un serveur de restaurant est plus délicat. C’est donc compliqué, voire impossible, dans des secteurs très contraints comme l’enseignement, la petite enfance, la santé, le SDIS…
Néanmoins, il y a souvent des pistes à exploiter pour trouver un compromis.
Car si l’on ne peut pas jouer sur la souplesse dans un horaire journalier, on peut parfois trouver des solutions sur un planning hebdomadaire ou mensuel. Par exemple : en permettant au salarié de poser des congés, des RTT, ou des récupérations à des moments clés pour lui. Ou en trouvant des solutions de remplacement en cas de contrainte majeure :
- faciliter l’échange de poste entre 2 salariés ;
- jouer sur l’intérim ;
- demander un renfort d’un autre service ;
- recourir à des heures supplémentaires exceptionnelles d’autres salariés pour compenser (un sujet souvent tabou).
Souplesse dans les temps de travail : des réticences managériales
Quand on les interroge, les managers sont conscients que donner plus de souplesse dans les temps de travail pourrait être un atout. Mais ils y voient aussi quelques inconvénients sociaux :
- La crainte de dérives incontrôlées : on donne ¼ d’heure de battement à un collaborateur le matin pour arriver, qui se transforme en 30 minutes, puis en une heure. Et ainsi de suite.
- Un retour arrière difficile : quand on commence à donner de la souplesse, il peut être compliqué de revenir en arrière. Un droit exceptionnel donné pour faire face à une période difficile d’un salarié peut vite se transformer en « acquis social ».
- Le risque de créer des inégalités de traitement au sein même d’une équipe : entre des collaborateurs pour lesquels il est assez simple de trouver des solutions et d’autres qui sont astreintes à des organisations horaires très rigides (les opérations en général).
Et enfin, ils font un constat : la souplesse n’est pas uniformément répartie dans la semaine. Les collaborateurs ont tendance à demander de la variabilité sur les mêmes périodes. De façon assez classique, les attentes sont les plus fortes : le lundi matin, le mercredi et le vendredi après-midi. Et ceci pose bien évidemment des problèmes majeurs, car satisfaire tout le monde sur ces plages devient impossible.
Des RH qui veillent à limiter la souplesse sur les horaires de travail !
C’est un autre volet du sujet. Donner de la souplesse sur les horaires avec les meilleures intentions du monde peut vite amener aux marges de la légalité. Le Code du travail français n’est pas spécialement conçu pour gérer de la souplesse et des exceptions. On peut ainsi vite arriver à des dérives par exemple sur :
- les amplitudes journalières ;
- les durées hebdomadaires ;
- les temps de repos ;
- les vacations, etc.
En Angleterre, personne ne sera choqué de faire travailler un salarié 11 ou 12 heures sur une journée pour rattraper son absence de la veille parce que son enfant était malade. En France, c’est plus délicat, et encore plus si c’est récurrent. Les services RH sont souvent les premiers à mettre des limites aux pratiques du terrain et à encadrer la gestion de cette souplesse par crainte de contrôle administratif (inspection du travail) ou de contentieux ultérieurs.
Un difficile compromis qui nécessite des outils de gestion
L’attente de souplesse dans les horaires est clairement exprimée. Il n’est pas toujours facile d’y répondre, mais dans le contexte actuel du marché du travail, les entreprises n’ont plus toujours le choix non plus, sauf à accepter de gérer un turnover important.
Pour les managers, prendre en compte cette dimension sans dégrader la performance et le taux de service est clairement une complication. Cela nécessite de faire preuve d’imagination, de compréhension, et de gérer en permanence des cas particuliers alors qu’ils ont tant à faire par ailleurs.
Mais perdre des salariés est aussi une source de complication. De ce fait, nombreux sont les employeurs qui confirment n’avoir d’autres choix que de composer avec cette tendance, en mettant quelques limites.
Et cela amène une dernière question : les managers ont-ils toujours les outils de gestion des plannings adéquats qui leur permettraient de mieux faire face à cette attente de souplesse ? Car aujourd’hui certains logiciels prennent en compte les souhaits des salariés et essaient de les exaucer au mieux lors de l’élaboration des plannings de travail. Une gestion très difficile à réaliser manuellement.